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entre les deux partis suivans : ou bien on le réduirait à la condition de billon, comme en Angleterre, ou bien on diminuerait la proportion de métal contenue dans la pièce qui jusqu’ici était le franc ; on y mettrait 4 grammes de fin, par exemple, au lieu de 4 grammes 1/2, sauf à faire plus tard une diminution nouvelle. Ces deux combinaisons se ressemblent beaucoup, et je ne les séparerai pas dans l’opinion que je crois pouvoir en exprimer. Avec l’une et l’autre, le franc cesserait d’être ce que la loi avait établi qu’il serait : Il grammes 1/2 d’argent de fin. On aura beau se retourner, on n’empêchera jamais qu’un acte de ce genre mérite le nom de faux monnayage. Quand Philippe le Bel diminuait la quantité d’argent renfermée dans les écus de son temps, il ne faisait rien qui fût plus grave ni plus caractérisé. Vainement dira-t-on que la loi, en donnant le nom de pièce de 20 francs à un certain poids d’or, a assimilé 29 centigrammes d’or au franc : à cette argumentation il y a une réponse péremptoire. La loi n’a pas dit que le franc fût 29 centigrammes d’or : elle a dit très expressément que le franc était 4 grammes 1/2 d’argent, et quand elle a assimilé 29 centigrammes d’or à 4 grammes 1/2 d’argent, c’est d’une manière provisoire, et ce provisoire devait cesser le jour où 29 centigrammes d’or cesseraient d’être effectivement l’équivalent de 4 grammes 1/2 d’argent. Quelque bonne volonté qu’on y mette, il est impossible d’admettre que le franc continue d’être 29 centigrammes d’or, dès qu’il y a un écart sérieux entre ce poids d’or et Il grammes 1/2 d’argent, à moins de biffer la disposition générale qui est en tête de la loi de l’an XI et de donner un démenti aux affirmations relatives à ce qu’on nomme un point fixe dans les premiers paragraphes de l’exposé des motifs, aux paroles de Gaudin, que le kilogramme d’argent[1] vaudra toujours 200 francs, et ne vaudra jamais ni plus ni moins, à celles du même ministre indiquant l’obligation où l’on serait de refondre les pièces d’or lorsque la valeur relative des deux métaux serait changée, à celles de Crétet sur la fixité de la valeur nominale de l’argent, à celles de Prieur, et à celles de Mirabeau, toutes aussi formelles dans le même sens[2].

On réplique, et l’on dit : Est-ce que le législateur de l’an XI n’a pas outre-passé ses pouvoirs ? De quel droit nous aurait-il enchaînés à l’étalon d’argent et aurait-il imposé à la France à tout jamais que le franc fût un poids de 5 grammes d’argent au titre de 9/10es, ou, ce qui revient au même, de 4 grammes 1/2 d’argent fin ? Ici il faut distinguer : si l’on veut dire qu’alors que les deux métaux présentaient la même fixité de valeur sans qu’il y eût aucun motif de

  1. Au titre de 9/10es de fin.
  2. Pour tous ces textes, et pour divers autres qui ne sont pas moins significatifs, je renvoie à la discussion qui fait le fond de la seconde partie.