Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous apprend que l’éléphant blanc, qu’il avait vu si beau, si bien portant, entouré de tant de respects, mangeant dans la main d’un prince, mourut le 8 septembre 1855. La cour de Siam fut profondément affligée de cette perte douloureuse, dont le roi fit part à sir John par une dépêche mélancolique, à laquelle étaient annexés, comme pièces à l’appui, un morceau de la peau de l’animal et des touffes de poils conservés dans l’esprit de vin. Ce précieux envoi figure aujourd’hui au musée de la Société zoologique de Londres. L’auguste défunt a été immédiatement remplacé par le plus blanc de la troupe ; la royauté légitime de l’éléphant blanc ne saurait mourir.

Le 17 avril, sir John Bowring fut reçu par le second roi, dont le palais est à peu près aussi grand que celui du premier roi. Il y eut absolument les mêmes formalités, les mêmes cérémonies que la veille. Déploiement de troupes de toutes armes et de tous costumes, café et cigares dans une salle d’attente, prostration des nobles en présence de sa majesté, harangue de l’ambassadeur, réponse du roi, questions sur la santé de la reine Victoria et de sa famille, etc., toute cette mise en scène était calquée sur celle de la première audience. On crut remarquer dans le langage et dans l’attitude du second roi plus de distinction, une connaissance plus intime des habitudes européennes, un goût plus éclairé et plus intelligent pour les sciences de l’Occident. Le repas qui fut offert à l’ambassade après le départ du roi confirma cette première impression. Les mets, bien préparés et proprement servis, attestaient que les idées de progrès et de civilisation avaient pénétré dans les cuisines de sa majesté, et la renommée ; d’accord avec la reconnaissance des courtisans, attribuait au roi lui-même cette importante réforme. Toutefois ce fut surtout dans ses entrevues particulières avec le second roi que sir John Bowring put apprécier par des, signes plus sérieux la supériorité réelle de ce souverain. Il parle et écrit correctement l’anglais et paraît être tout à fait familiarisé avec les mœurs de l’Europe. Ses appartemens sont meublés à l’anglaise, avec le goût simple et élégant qui révèle le gentleman. Sa bibliothèque renferme les meilleurs ouvrages et les plus nouveaux. Des instrumens de mathématiques et d’astronomie, des modèles de bateaux à vapeur, des trophées d’armes décorent ses salons. Il aime la musique et joue agréablement de la flûte. Il prend un vif intérêt aux affaires de l’armée et de la flotte : son artillerie manœuvre à l’européenne et les chantiers placés sous sa direction construisaient, en 1855, un clipper de 700 tonneaux, destiné à la navigation entre Siam et la Chine. Quant à la politique, bien qu’il ait ses ministres et ses hauts dignitaires aussi bien que le premier roi, il n’y intervient pas activement. Même après la signature du traité anglais, il déclarait à sir John Bowring n’avoir point connaissance