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une lettre autographe adressée à la reine Victoria. L’audience fut fixée au 24 avril. Sa majesté prit l’ambassadeur par la main, et lui montra les présens qu’elle le chargeait d’envoyer en Angleterre, notamment une caisse richement ornée qui contenait les cadeaux destinés à la reine, ainsi que la royale dépêche écrite en siamois sur des feuilles d’or et accompagnée d’une traduction en anglais, qui était l’œuvre du roi. La caisse devait s’ouvrir au moyen d’une clé d’or, qui fut confiée à M. Parkes. Le roi fit savoir qu’il comptait bien que la reine d’Angleterre répondrait à sa lettre, et il exprima le désir de recevoir deux exemplaires des journaux qui contiendraient des détails sur la remise de son auguste missive. Étrange préoccupation de cet excellent prince siamois, qui veut qu’on parle de lui dans les journaux, qui tient, à ce qu’il paraît, à l’opinion des journalistes, et qui, du haut de son trône, demande une annonce dans le Times ! La boîte renfermant la lettre fut placée sur un siège d’or que l’on transporta, au milieu d’un cortège royal, jusque sur la rive du Meïnam. Le second roi avait de son côté envoyé sur le même point la dépêche autographe qu’il écrivait également à la reine. Quand les derniers adieux eurent été échangés, sir John Bowring et ses attachés prirent place dans les embarcations du roi, et la brillante flottille, précédée par deux magnifiques canots, qui portaient les lettres des deux souverains, descendit le fleuve et arriva dans la soirée à Paknam. Le lendemain 25 avril, l’ambassade se rembarqua à bord du Rattler, qui leva l’ancre et mit le cap sur Hong-kong. Ainsi se termina, dit sir John Bowring, cette singulière aventure, cette romanesque mission, qui exercera sans doute sur l’avenir politique et commercial du royaume de Siam une influence décisive !


Au mois de mai 1856, les ratifications du traité furent échangées à Bangkok. M. Parkes, chargé de cette mission par le gouvernement anglais, obtint l’addition de diverses clauses destinées à compléter l’œuvre de sir John Bowring. La cour de Siam se montra disposée à interpréter largement le traité conclu l’année précédente et à l’exécuter de la façon la plus libérale. Déjà plusieurs navires anglais s’étaient présentés à Bangkok : une convention signée avec l’envoyé des États-Unis, M. Townsend Harris, allait amener dans ce port le pavillon américain, et l’on attendait impatiemment l’arrivée du plénipotentiaire français. Les vieux monopoles étaient décidément abolis, au grand désespoir des Chinois, mais au profit des populations et du trésor. Dès la première année d’expérience, les ministres siamois purent se convaincre que le nouveau régime devait être avantageux à leur pays, et que les leçons d’économie politique professées par sir John Bowring étaient bonnes à mettre en pratique.