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de véritables et dignes chefs de parti. Leur fertilité d’expédiens, l’habile emploi de leurs moyens, justifièrent la confiance que leurs camarades avaient mise en eux.

La campagne s’ouvrit par une longue adresse élaborée avec soin : on y rappelait l’origine et les divers incidens de la dispute, tous présentés à l’honneur de l’ouvrier ; on y vantait son bon droit et sa modération mise en regard de la dureté impitoyable de ses patrons, et après une peinture navrante des souffrances qu’il endurait à Preston et qu’il était prêt à supporter jusqu’à la dernière extrémité pour défendre la cause de tous ses frères, on invoquait l’assistance de ceux-ci au nom de l’humanité et de leur propre intérêt. Cette adresse fut répandue avec profusion dans le royaume. À la première réception des secours qu’elle avait provoqués, on en fit une autre de remerciemens, et ce moyen de tenir le peuple en haleine ayant été trouvé efficace, on y recourait à toute occasion, un jour pour signaler au pays la libéralité des ouvriers de telle ville ou de tel corps d’état, un autre jour pour stimuler l’émulation de ceux qui s’étaient montrés moins généreux. Les comptes-rendus hebdomadaires envoyés dans tous les grands centres de manufactures et d’industries n’étaient eux-mêmes, sous une autre forme, qu’un appel incessant à l’assistance publique, car ils étaient tous précédés de quelques lignes énergiques sur la misère croissante du peuple de Preston et la nécessité de soutenir ses efforts. On variait les tons selon les sentimens supposés de ceux que l’on voulait émouvoir. Il y avait des adresses au clergé, dont on sollicitait l’aumône que la loi de Dieu lui impose comme le premier de ses devoirs envers les souffrans et les opprimés ; il y en avait au peuple de l’Irlande pour lui recommander ses nombreux coreligionnaires en détresse sur la terre étrangère. « Vainement, lui disait-on, vos pauvres frères ont essayé de se soustraire à la tyrannie de vos landlords, ils en ont trouvé une beaucoup plus dure chez nos manufacturiers et nos capitalistes de l’Angleterre. » Il y eut une adresse spécialement destinée aux femmes et aux filles de tout le royaume ; on invoquait leur humanité poulies orphelins de Preston en proie aux horreurs de la faim, et pour les pauvres créatures que la misère exposait aux tentations du vice. La passion la plus amère respirait dans toutes ces communications ; dans quelques-unes, l’exagération et la violence du langage dépassaient toutes les bornes. Ainsi, après un essai de conciliation qui n’avait pas réussi, les fabricans s’étaient déterminés à appeler des ouvriers étrangers. Une proclamation intitulée le travail en danger, et signée cette fois des noms réunis des dix membres qui s’appelaient le comité exécutif de l’association, fut affichée à Preston ; elle était adressée aux ouvriers et au peuple du royaume d’Angleterre. Entre autres passages, on y lisait :