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titres obtenus, les services rendus, tout cela se faisait reconnaître d’autorité. On ne gagnait donc à en proclamer l’illégitimité comme un principe que le triste avantage de blesser l’honneur ou d’inquiéter la sécurité de ceux en faveur de qui on était contraint par les circonstances de violer ce prétendu principe ; c’était comme une protestation qu’on insérait à titre de nullité éventuelle dans le nouveau contrat qu’on passait avec eux.

Si de plus à la sainteté originelle du pouvoir royal on ajoutait celle de sa forme et de son étendue, si on tenait à honneur de prétendre que tel qu’il était autrefois constitué et exercé, il n’avait pas mérité un moment la censure ou la résistance, que tout dans le passé avait droit au respect du présent, et que la folie ou l’orgueil, l’envie ou la haine, avaient seules inspiré aux dernières générations la fatale idée de le transformer, il devenait comme obligatoire de le ramener à de si précieux antécédens, et de lui rendre tous ces caractères augustes dont un délire d’un moment l’avait dépouillé. Cependant, non content de reconnaître pour bonnes toute l’organisation administrative et toute la législation civile que ce délire avait données à la France, on n’osait pas se dispenser de lui emprunter jusqu’à ses idées fixes et à ses mots d’ordre, et de régulariser, par un acte constitutionnel, presque tous les principes au nom desquels elle avait attaqué et miné le pouvoir des siècles passés. On se condamnait donc à proclamer sous forme de loi ce qu’on proscrivait sous forme de théorie. Après avoir anathématisé 1789, on souscrivait d’une main royale aux volontés de 1789. On se donnait comme à plaisir une certaine apparence de contrainte et même de mauvaise foi au moment où l’on faisait acte de souveraineté pour contenter et rassurer les peuples. On présentait comme arrachée par les circonstances et désavouée par la conscience la promesse qu’on voulait rendre irrévocable ; on s’obligeait en diffamant le principe même de l’obligation ; on employait, pour le lier à jamais, le pouvoir même dont on soutenait qu’il ne pouvait être lié, et on limitait la souveraineté en vertu d’une souveraineté illimitée. Si l’on n’eût par là choqué que la logique, passe ; mais il arrivait que dans les sacrifices mêmes que l’on faisait pour gagner le respect et la confiance, on détruisait l’un et l’autre.

En tout, le caractère le plus funeste, le plus difficilement effaçable d’une restauration, c’est celui qui la fait regarder comme un châtiment, et par malheur, loin de s’en défendre, une restauration fait souvent gloire de l’être. Elle a mille peines à s’empêcher de penser que c’est le sentiment de leurs fautes, le regret de leurs erreurs, l’expérience, le repentir, qui lui ramènent les peuples. N’est-elle pas la vérité aux pieds de laquelle vient se jeter le pécheur désabusé ? N’est-elle pas la leçon que la Providence donne à l’orgueil humain ? Seule-