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supérieurs qui ont disparu du milieu de nous, après avoir figuré dignement dans ces mobiles scènes, seraient faciles à recueillir encore. On trouverait dans la mémoire de leurs amis, de leurs émules, de leurs adversaires, des documens faits pour l’histoire. Et comment d’ailleurs ne pas se rappeler que, sans compter les noms que nous avons déjà cités, la France a le bonheur de posséder quelques-uns de ceux qui ont alors touché avec le plus d’honneur au gouvernail de l’état ? Ne nous est-il pas donné de pouvoir consulter l’incomparable expérience d’un homme d’état vénérable qui a traversé les temps les plus difficiles, les emplois les plus élevés, les crises les plus périlleuses, sans que l’injustice des partis ait pu réussir à obscurcir la renommée de son habileté et de sa modération, de sa sagesse et de son équité, et qui conserve jusque dans une vieillesse avancée toute la vivacité de l’esprit le plus juste et de la mémoire la plus fidèle, toute la bienveillance d’une âme que le ressentiment n’a jamais atteinte et qu’aucune épreuve n’a refroidie ? Ne pourrait-on aller chercher aussi dans la retraite où il s’est volontairement plongé, fuyant les retours faciles de la fortune, un homme politique qui, il y a trente ans, a été un ministre puissant, plein d’activité, de clairvoyance, de résolution, zélé dans ses amitiés, infatigable dans son obligeance, et qui, après avoir attaché son nom à un coup d’état irréprochable et à l’inauguration du seul système politique qui pût sauver la monarchie, s’est peu à peu retiré des hautes régions du pouvoir, pour consacrer, dans une vie plus modeste, mais toujours utile, des facultés toujours animées au bien de son pays et de ses amis ?

Cherchons à fixer nos idées sur les quatre époques que nous avons distinguées.


IV.


Il est difficile, le lendemain d’un grand événement politique, de savoir où sont les vaincus. La liberté n’existe guère alors, ou si elle existe, les partis ne s’y fient pas assez pour se montrer ; on aime mieux se taire ou paraître en sympathie avec le plus fort. La restauration put donc, en 1814, croire pendant un temps qu’elle retrouvait le pays unanime en sa faveur. La France impériale, un peu confuse de ses défaites, n’osait réclamer à voix bien haute ; la révolution, depuis longtemps comprimée, façonnée aux revers, n’osait relever la tête. Incertaine et divisée, elle ne savait si elle devait s’envelopper de douleur dans les plis de son drapeau abattu, ou se réjouir d’échapper à la dure discipline qu’elle avait subie depuis quinze ans. On vit les vétérans de nos grandes époques, les uns adhérer avec une confiance un peu forcée au nouveau régime, les autres unir leur