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écuries mal tenues, elle se révèle par une odeur caractéristique fort sensible. Les analyses de l’air délicatement faites prouvent qu’il en contient toujours des traces il est vrai ; mais c’est au moyen de ces traces sans cesse absorbées et renouvelées sans cesse, qu’un grand nombre de végétaux, tous peut-être, suivant quelques chimistes et M. Liebig à leur tête, composent leurs tiges, leurs feuilles et leurs fruits. L’ammoniaque est décomposé par les feuilles à peu près comme l’acide carbonique. La quantité contenue dans l’air est sans doute fort variable, et les chimistes ne sont point d’accord, car on conçoit qu’elle varie plus que celle de l’oxygène, tant la décomposition de l’ammoniaque est facile, tant la production en est fréquente. Des chimistes ont évalué cette quantité, M. Grœger à 0,000000333 de son poids, M. Kemp à 0,000003880, d’autres à 0,000000133, d’autres à moins encore, à 0,00000002241.

Ce sont là des quantités bien faibles, et il est singulier qu’une des substances les plus utiles aux végétaux et aux animaux, qui est répandue à l’état pur autant et plus que toute autre matière, ne puisse être assimilée par eux que lorsqu’elle a formé avec l’hydrogène une combinaison assez difficile, impossible même à produire par l’union directe de ces deux gaz. Les philosophes doivent toujours être tentés de dire à l’azote, comme Pangloss au matelot de Lisbonne : Mon ami, vous manquez à la raison universelle ! Mais le plus prudent est d’exposer le phénomène sans tenter de raisonner. On sait en outre que le fumier de ferme et la plupart des engrais contiennent de l’azote sous la forme d’ammoniaque ou sous toute autre. Les engrais ammoniacaux sont même réputés les meilleurs. De plus, toute terre contient des débris de matières organiques, et les plus fertiles sont d’ordinaire celles qui en contiennent le plus. Ainsi, tandis que la boulbène de la Haute-Garonne ne contient pour 1,000 kilog. que 0 k, 7 d’ammoniaque, celle de la Limagne, en Auvergne, en renferme 3k, 2, et en général la fertilité d’un sol est en rapport avec sa richesse en azote. Entre le 54e et le 57° degrés de latitude nord, dans la partie méridionale de la Russie, sur la rive gauche du Volga et le versant asiatique des monts Ourals, est un terrain immense, d’une étendue de 80 millions d’hectares, qui, après avoir nourri plus de 20 millions d’hommes, permet d’exporter, soit dans les autres provinces de la Russie, soit en Europe, plus de 20 millions d’hectolitres de blé. Connu sous le nom de Tchernoyzen ou Tchornoi-Zem, il n’a jamais été fumé ; mais il contient 7 pour 100 de matière organique azotée. Les plantes qui passent pour les plus nutritives sont aussi celles qui ne prospèrent que sur les sols qui contiennent de l’azote soit naturellement, soit artificiellement. Ainsi, pour l’avoine et le seigle, le terrain peut ne contenir que 1 ou 1 1/2 pour 100 de