Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/588

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux animaux, et de cette façon il n’y a pas une si grande différence qu’on le croirait entre les animaux carnivores et les herbivores. Il est un peu plus facile, plus court surtout, de transformer de la viande en chair nouvelle que des fourrages, mais les deux opérations ne sont pas essentiellement différentes. Les carnivores ont un tube digestif moins long que les herbivores ; les réactions chimiques sont à peu près partout les mêmes. Ainsi l’on sait que chez le lion, le tube digestif a trois fois la longueur du corps ; chez le mouton, il a dix-sept fois cette même longueur. Pour ceux qui aiment ce genre de comparaison, on peut dire qu’il y a une sorte d’échelle qui part des substances minérales servant d’alimens aux plantes, et qui se termine aux parties les plus complexes de l’organisme animal. La vie des uns commence là où finit celle des autres.

Les hommes et les animaux perdent sans cesse par la respiration de l’oxygène et du carbone. L’oxygène vient du dehors, mais le carbone de l’acide carbonique qui sort du poumon vient des alimens. En même temps chaque animal produit de la force, de la chaleur, du lait ou de la graisse. Il faut donc lui donner deux sortes d’alimens, les uns destinés à entretenir la respiration, qui est d’autant plus active que plus de force est dépensée (ce sont les alimens respiratoires), et d’autres qui doivent faire de la chair. Nous n’insisterons point sur cette distinction, qui a déjà été exposée ici même par M. Payen[1], et c’est surtout des derniers alimens que nous devons parler, des alimens plastiques. Les premiers n’ont pas besoin d’être azotés, et il est important de mélanger habilement ces deux sortes de nourritures, car les unes sont plus coûteuses que les autres, et il ne serait pas raisonnable, par exemple, de donner à un cheval du grain seulement, car une grande partie des substances que le grain contient ne servirait qu’à la respiration, à laquelle peuvent suffire des fourrages, alimens moins précieux, formés surtout de carbone, d’hydrogène et d’oxygène. Un cheval brûle par jour 1,700 grammes de carbone, et il les prend dans ses alimens ; il est clair que pour cet objet les fourrages, considérés comme peu nourrissans, sont aussi bons que de l’avoine. C’est d’après le même principe que pour les animaux malades, qui ne peuvent ni digérer ni assimiler, il faut agir en sens inverse ; il importe de leur conserver la chaleur, qui est la vie, mais on ne peut songer à augmenter leur poids. Les médecins ordonnent aux convalescens des épinards ou des plantes analogues : elles ne servent qu’à être brûlées, aurait dit Lavoisier ; mais elles ne peuvent former un atome de chair, ni de sang.

  1. Livraison du 15 novembre 1855.