Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglois, écossois, et à leur départ redoubloyent gracieusement ces voix d’allégresse : vivat, vivat ! »

Parmi ces quinze cents écoliers, d’Urfé nous apprend qu’il y avait de sept à huit cents gentilshommes de race, et plusieurs de grandes et illustres maisons, non-seulement des diverses provinces de France, mais de Piémont, d’Ecosse et d’Italie. Il nous, apprend aussi que les jésuites, en ornant l’esprit de leurs élèves de toutes les connaissances classiques, ne négligeaient aucun des exercices propres à former des guerriers, car il nous montre dans cette même cérémonie des groupes de dix écoliers qui exécutent une sorte de danse pyrrhique. « Ils s’en viennent, dit-il, l’espée au poing, desmarchant à la cadence des luttes, tantôt s’accouplant, tantôt se séparant, puis tous ensemble commençant à jouer la moresque, se frappant d’accord au son des instrumens, maintenant simple, à mesure entière, haute et basse, en carré contre deux à la fois, maintenant entrelacée à demi mesure en rond contre six à la fois ; tantôt de taille, tantôt de revers, et à la parfin d’estocade, se mêlant avec une merveilleuse dextérité les uns avec les autres, et néanmoins se rencontrant si bien, que de dix coups ils n’en sembloient qu’un, chose beaucoup plus plaisante à voir qu’on ne sauroit pas dire. » Après cette danse militaire, les écoliers chantent en chœur une ode en l’honneur de l’époux et de l’épouse.

Le troisième jour, ils représentent une pastorale en vers latins. Le quatrième jour, ils donnent au seigneur de Tournon et à sa femme un spectacle d’un genre nouveau.


« On vit, dit le jeune d’Urfé, en la cour du collège et église d’iceluy, les murailles du haut en bas très richement tapissées des oraisons, dialogues, épithalames, églogues, odes, hymnes, anagrammes, emblèmes, énigmes, épigrammes faicts en œufs, en tours, en balances, en coutelas, en halebardes, lances, œsles (ailes), et en autres gentilles inventions en plusieurs langues, principalement en latin et en grec, prose, vers lyriques, héroïques, élégiaques et autres en une infinité de sortes : le tout sur les louanges de cette alliance. Chose esmerveillable du bel exercice des escholiers, et de la variété de la tractation de cest argument, et de la peine incroyable prinse par eux à peindre leurs emblèmes et énigmes, et à escrire quatre ou cinq rames de papier, dont tout étoit couvert, jusques aux troncs des six arbres qui sont en la dicte cour. De quoy tous les plus doctes estrangèrs qui le virent s’esmerveillèrent fort, principalement monsieur (le seigneur de Tournon), lequel, considérant le travail que lesdits escholiers avoient pris pour honorer l’entrée de madame la comtesse sa femme, requit monsieur le recteur de leur donner congé de jouer les deux jours suivants ; ce qui lui ayant été accordé, la plus grande part des enfants cria : vivat, vivat ! et dès lors commencèrent à jouir de la grâce impétrée. »


On peut juger par cet échantillon de ce qu’était l’éducation donnée