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d’assez près, poussés par une belle brise de sud qui nous fit rapidement remonter vers le nord. Nous passâmes devant Saint-Paul-de-Loando, chef-lieu des possessions portugaises sur la côte d’Afrique, sans nous y arrêter, et nous laissâmes enfin tomber l’ancre sur la rade d’Ambriz. Le Portugal avait bien aussi quelques prétentions sur ce point, où la traite amenait annuellement de trois à quatre mille captifs ; mais ce ne fut qu’en 1791 qu’il essaya de les faire valoir. Les réclamations de la cour de Londres et celles de notre ambassadeur à Lisbonne l’obligèrent d’ailleurs à se désister. Nous trouvâmes devant Ambriz plusieurs bâtimens avec lesquels nous entrâmes en relations de commerce. Les capitaines de ces bâtimens nous cédèrent douze esclaves, au nombre desquels se trouvaient trois jeunes femmes que les gens habitués à ce triste métier déclarèrent sans hésiter fort jolies. Ce premier acte de traite fut considéré comme étant d’un augure favorable pour l’avenir.

Notre traversée, qui eût dû s’accomplir en cent ou cent vingt jours, avait duré quatre mois et demi : aussi notre équipage avait-il grand besoin de quelques rafraîchissemens et d’un peu de repos. Nous nous arrêtâmes donc près d’une semaine devant Ambriz, mais ce n’était pas sur ce point, où tant de navires nous avaient devancés, que nous pouvions avoir l’espérance d’opérer notre chargement. Dès que les épreuves de notre long voyage furent un peu oubliées, nous reprîmes la mer, et le surlendemain de notre départ nous nous trouvâmes devant l’embouchure du Zaïre. Ce fleuve était déjà connu comme un des plus grands fleuves de l’Afrique. Nous remarquâmes en effet de nombreux indices de la rapidité de son cours et du volume considérable de ses eaux. Une teinte jaune et bourbeuse s’étendait à plusieurs lieues au large, et des îles flottantes arrachées par le courant aux deux rives du fleuve étaient entraînées jusque sur la route de notre navire, obligé de les éviter comme des écueils. Nous savions que des négriers avaient autrefois remonté le Zaïre jusqu’à une assez grande distance de l’embouchure. L’insalubrité du climat ayant souvent compromis le succès de ces expéditions, on avait renoncé depuis quelques années à braver un danger inutile. Les marchands d’esclaves, après avoir descendu le fleuve, amenaient par terre leurs captifs aux divers comptoirs de la côte.

Ce qui valut au Zaïre, même après que le congrès de Vienne eut proclamé l’abolition de la traite, l’honneur d’explorations spéciales, ce fut la croyance où l’on était généralement que l’embouchure de ce grand cours d’eau devait être celle du fleuve mystérieux qui passait à Tombouctou. C’était l’opinion de Mungo-Park, et bien qu’il eût fallu, pour admettre cette hypothèse, accorder au Niger un cours plus étendu qu’au Mississipi, au Nil ou au fleuve des Amazones,