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fouiller au milieu de ces organismes vivans sans les détruire, sans même les altérer, et prendre pour ainsi dire la nature sur le fait. Aussi la physiologie générale, cessant de reposer sur des hypothèses gratuites ou sur des faits mal interprétés, parce qu’ils étaient mal connus, a-t-elle immensément gagné depuis un quart de siècle, et ces progrès, elle les doit surtout aux zoologistes, qui de la connaissance des formes extérieures ou intérieures ont voulu remonter à celle des fonctions.

La zoologie moderne n’est donc pas seulement restée descriptive et anatomique ; elle est allée plus loin. Entraînée par la logique des faits et des idées, elle a marché dans sa voie nouvelle d’abord sans se rendre bien compte de ce changement de direction. Il lui a fallu quelque temps pour acquérir la conscience de ce progrès. Voilà douze ans à peine qu’un journal, parlant des travaux de l’Académie des Sciences, appliqua ironiquement les expressions de zoologistes physiologistes à M. Edwards et à quelques jeunes travailleurs groupés autour de lui. Les uns et les autres acceptèrent de très grand cœur, et comme caractérisant au mieux leurs tendances, ce titre qu’on leur donnait comme un blâme et par dérision. Cette petite école, sur laquelle on appelait le ridicule, a bien grandi depuis lors : elle compte aujourd’hui de nombreux adeptes en Allemagne, en Suède, en Norvège, en Angleterre, partout où la science déploie une activité réelle. Chose remarquable, quoique très naturelle, c’est en suivant la voie frayée par les naturalistes français que les savans de ces diverses contrées arrivent à se ranger sous la même bannière. Là comme chez nous, l’étude de plus en plus sérieuse des animaux inférieurs a modifié les anciennes idées et fait pressentir de nouveaux horizons. Là comme chez nous, c’est le monde marin qui conduite l’évidence et commande les convictions. Ce mouvement se prononce et se généralise chaque jour d’une manière plus frappante. Tous les ans, des universités allemandes, russes, suisses ou Scandinaves part une foule de naturalistes, de médecins, qui émigrent vers les côtes de la Baltique, de l’Océan ou de la Méditerranée. Tous les ans, chacun revient avec sa moisson de faits et de déductions, qui chaque fois jettent un jour nouveau sur la physiologie comparée. Et ce ne sont pas seulement des étudians, des privat docent, qui marchent ainsi sur nos traces. Des professeurs, des savans justement célèbres, n’hésitent pas à faire de même. L’illustre Müller, le chef des physiologistes allemands, après avoir pendant vingt ans demandé aux animaux supérieurs les secrets de la vie, a compris qu’il devait, lui aussi, aller s’instruire au bord de la mer. Il compte aujourd’hui sept ou huit campagnes de ce genre, et c’est à elles qu’il doit quelques-uns, de ses titres scientifiques les plus glorieux.