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son erreur. Il était plus tard le premier à rire de cette équipée, et il en a fait le nœud d’une de ses comédies : les Méprises d’une Nuit.

L’âge était arrivé pour Olivier d’entrer à l’université ; mais deux événemens vinrent à ce moment même bannir de la maison paternelle l’heureuse aisance qui y régnait depuis quelques années. Le fils aîné, Henri, après avoir suivi avec honneur les cours de l’université et avoir conquis le titre de scholar, qui devait le conduire à une chaire universitaire ou à une prébende, paya tribut à son tour au mauvais génie de la famille : à l’exemple de son père, il fit un mariage d’amour, sacrifiant à sa passion son titre de scholar et l’avenir qui s’ouvrait devant lui. Il vint à vingt-deux ans s’établir à Pallas, où il ouvrit une petite école et où sa vie s’écoula dans les modestes fonctions de desservant, au traitement de 40 livres par an. Ainsi s’évanouirent les espérances que la famille avait fondées sur ce fils si sage, si vertueux, si bien doué, et pour l’éducation duquel elle s’était imposé tant de sacrifices. Ce n’est pas tout. Henri fut chargé de terminer l’éducation du fils d’un riche propriétaire : le jeune Hodson connut ainsi la sœur d’Henri, Catherine, s’en éprit, et l’épousa secrètement. Grandes furent la surprise et la douleur des deux familles quand le mariage fut déclaré. Les deux amans n’avaient obéi qu’à leur amour mutuel ; mais la disproportion des fortunes était telle qu’on pouvait croire à une intrigue de la part des parens de la jeune fille. Pour aller au-devant de tout soupçon injurieux, Charles Goldsmith s’engagea à constituer à sa fille un douaire égal à la provision qui serait faite au jeune Hodson. Il tint scrupuleusement sa promesse, mais au prix du plus clair de son revenu, et il se trouva hors d’état d’assurer le sort de ses autres enfans, que cet excès de délicatesse voua pour toujours à la pauvreté.

Il ne fallait donc plus songer à envoyer Olivier à l’université comme pensionnaire, ainsi que l’on avait fait de son frère : il ne pouvait plus y entrer que comme boursier. À cette époque, les boursiers n’étaient pas seulement distingués des autres élèves par quelques différences dans le costume : ils étaient de plus astreints à diverses obligations dont on les a dispensés depuis, et dont les plus pénibles étaient de balayer les cours le matin, de servir les professeurs à table, et de ne manger qu’après que ceux-ci s’étaient retirés. L’amour-propre d’Olivier se révolta à l’idée d’entrer à l’université à de telles conditions : il fallut pour l’y décider les exhortations et l’influence de son oncle Contarine, qui lui-même avait été boursier autrefois, et qui ne manqua pas de s’en faire un argument. Olivier concourut donc pour une bourse, et il l’obtint, ce qui prouve qu’en somme ses premières études avaient été bonnes. À l’université, il se montra ce qu’il avait été au collège, un étudiant peu diligent