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cortège. Une matinée d’hiver, un des camarades d’Olivier le trouva blotti dans la plume de son matelas, qu’il avait décousu ; la veille, Olivier avait été abordé par une pauvre femme accompagnée de plusieurs petits enfans qui se mouraient de faim et de froid : n’ayant rien à leur donner, il les avait amenés jusqu’au collège, et leur avait jeté par la fenêtre de sa chambre ses draps et ses couvertures.

Lorsqu’une de ces libéralités irréfléchies avaient mis ses finances en désarroi, lorsque la bourse de ses amis était à sec, lorsqu’il avait engagé ses livres et ne pouvait plus, comme le disait un de ses professeurs, mulare quadrata rotundis, il lui restait encore une ressource : c’était de composer une ballade sur les événemens du jour. Il y avait dans Montrath-Street, à l’enseigne du Renne, un libraire qui publiait de petits livres à l’usage des classes populaires, et qui lui achetait toutes ses ballades à raison de 5 shillings. Le pauvre garçon se cachait soigneusement d’écrire des choses aussi profanes : un pareil emploi de son temps eût scandalisé toute l’université, et pourtant il y avait au fond de son cœur une invincible tendresse pour ces enfans désavoués de sa veine. Il lui arrivait de passer des soirées entières à suivre de rue en rue les musiciens ambulans pour leur entendre chanter sa dernière ballade, et si la foule criait bravo, si les auditeurs en s’éloignant fredonnaient un de ses couplets, Olivier ravi regagnait d’un pas plus léger son humble couchette.

Telles étaient du reste l’insouciance de son caractère et son ingénuité, qu’un rien suffisait à le distraire des peines les plus vives. Un étudiant noble s’était-il permis quelque allusion humiliante à sa pauvreté, avait-il subi les reproches d’un professeur, était-il atteint d’un accès de nostalgie : il s’enfermait dans sa chambre, prenait sa flûte, dont il jouait agréablement, et au bout d’une heure il était redevenu le plus léger, le plus étourdi, le plus bruyant des étudians. Nombre de ses camarades recherchaient sa société, parce que nul n’aimait plus à rire, à dire et à faire des folies, et ne savait mieux chanter un gai refrain. Malheureusement aussi nul n’était plus faible et plus facile à se laisser entraîner. En mai 1747, les étudians, qui croyaient avoir à se plaindre de la police, se saisirent de quelques constables, les rouèrent de coups et leur firent prendre un bain dans les réservoirs de l’université. Plusieurs furent expulsés à la suite de cet esclandre, d’autres furent condamnés à une réprimande publique. Olivier fut du nombre de ces derniers. Ce ne fut pas sa seule équipée ; il avait pour répétiteur un des dignitaires de l’université, le docteur Wilder, homme violent et emporté, que ses passions conduisirent à une fin tragique. Celui-ci traitait avec une sévérité vraiment décourageante un élève dont il aurait tout