Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/938

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
934
REVUE DES DEUX MONDES.

l’Amérique centrale après une guerre d’un an, soutenue principalement par Costa-Rica, et il s’était trouvé trop heureux un jour de sauver sa vie en capitulant entre les mains d’un officier de la marine des États-Unis. Depuis ce temps, il avait disparu ; il était rentré à la Nouvelle-Orléans, revendiquant toujours, il est vrai, son titre de président légal du Nicaragua, mais ne sachant comment le faire valoir. Walker n’était point homme à disparaître pour toujours ; il ne tardait pas à organiser aux États-Unis une expédition nouvelle pour rentrer en maître dans l’Amérique centrale. Le gouvernement de Washington, non sans montrer quelque embarras, cherchait d’abord à empêcher le départ des flibustiers enrôlés dans l’expédition nouvelle. Walker lui-même était arrêté un moment, mais bientôt la liberté lui était rendue, et il a pu partir avec ses compagnons d’aventure pour le Nicaragua, où il ne paraît pas être arrivé encore. Ce qu’il y a de plus singulier en cette confusion, c’est que pendant ce temps le cabinet de Washington négociait avec le représentant régulier du Nicaragua, M. Irisarri, un traité relatif à la liberté du transit par l’isthme. On a pu croire au premier instant que par ce traité le gouvernement de l’Union s’engageait à garantir le Nicaragua contre toute invasion de Walker ; mais il n’en est rien véritablement. Walker, peut librement continuer le cours de ses conquêtes. On voit comment se poursuit ce travail d’extension et de développement désordonné de la démocratie américaine. C’est la force transportée dans les relations internationales. L’essentiel est de réussir. Si les entreprises manquent une première fois, on recommencera. Il y a, on en conviendra, une singulière parenté entre ce genre de droit nouveau et les doctrines préconisées par certains organes de la presse américaine en matière de commerce. Le premier échec de Walker a été une faillite, cela n’empêche pas l’aventurier de rentrer dans les affaires, et si l’Amérique centrale est encore ravagée par la guerre, ce n’est point l’Union américaine qui en souffrira.

ch. de mazade.


REVUE PHILOSOPHIQUE.
Les Ennéades de Plotin, traduites en français pour la première fois par M. Bouillet[1].

Qu’est-ce que les Ennéades ? Ce sont des neuvaines (en grec ἐννεάδες), les neuvaines d’un philosophe néoplatonicien, c’est-à-dire des traités de métaphysique, divisés par séries de neuf livres chacune, en l’honneur du nombre neuf, nombre mystérieux et sacré. Et que nous veulent, dira-t-on, ces Ennéades, à nous, hommes du xixe siècle, qui ne croyons pas aux nombres sacrés et qui nous soucions assez peu de la métaphysique d’un ancien rêveur d’Alexandrie ? Je n’ose pas encore répondre qu’il y a dans ces bizarres et obscures Ennéades une foule de pensées sublimes et d’éclairs de génie, notamment un livre entier sur le beau, digne du divin Platon ; mais, afin de m’enhardir par degrés, je commencerai par dire une chose incontestable, c’est

  1. 1 vol. in-8o, chez Hachette, rue Pierre-Sarrazin, 14.