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changemens cette solution apportait à l’ancien état de choses. Avant 1848, la monarchie danoise ne se composait, à vrai dire, que du Danemark propre, c’est-à-dire du Jutland avec les îles, et du Slesvig; sa frontière était le fleuve Eyder, au sud de ce dernier duché, l’ancienne frontière scandinave, Eidora romani terminus imperii. Ces deux parties de la monarchie danoise étaient régies par l’absolutisme, mais chacune d’elles jouissait d’états provinciaux dont la constitution et les droits analogues n’instituaient aucune fâcheuse inégalité. Le roi de Danemark était en outre duc du Holstein et du Lauenbourg, états allemands régis par leurs lois locales et traditionnelles. Seulement entre ces duchés et la monarchie danoise proprement dite il n’y avait qu’union personnelle, c’est-à-dire que les droits particuliers du roi de Danemark étaient l’unique lien; les duchés allemands n’étaient rattachés à la monarchie danoise que comme le Hanovre l’était à l’Angleterre, comme le Luxembourg l’est à la Hollande. — Désormais cet ancien ordre était changé; la monarchie danoise, au lieu de s’étendre jusqu’à l’Eyder, c’est-à-dire jusqu’au sud du Slesvig, irait jusqu’à l’Elbe, c’est-à-dire jusqu’au sud du Holstein et du Lauenbourg, comprenant ainsi ces duchés tout aussi bien que le Slesvig, le Jutland et les îles; ces duchés cependant continueraient à être allemands, pendant que leur union avec le Danemark, de personnelle qu’elle était, deviendrait réelle. Quant aux institutions libérales que s’était données le Danemark en 1849, elles n’étaient pas étendues au Slesvig, qui restait soumis, comme les duchés allemands, à l’absolutisme, pendant que le Jutland et les îles formaient un petit état constitutionnel. C’est ainsi que la diplomatie avait compris l’unité et l’intégrité danoises; c’est ainsi que le Danemark fut alors et qu’il est aujourd’hui organisé.

Ne savait-on pas pourtant que l’antagonisme des deux nationalités germanique et scandinave avait fait de l’Allemagne l’ennemie pour ainsi dire naturelle des peuples scandinaves? L’influence germanique, toute-puissante dans le Holstein, pays allemand, n’avait-elle pas déjà envahi toute la partie méridionale du Slesvig? Rapprocher plus que jamais le Holstein de la monarchie danoise, bien plus, l’y enfermer, et cela peu de temps après que ce duché s’était révolté contre l’influence danoise, et après qu’il avait tenté d’entraîner avec lui le Slesvig, n’était-ce donc pas introduire de vive force chez les scandinaves cet élément germanique qu’ils croyaient précisément devoir redouter et éloigner? De quel droit interdire au Slesvig la jouissance des institutions libérales que le roi de Danemark lui avait destinées en 1849, et que l’occupation allemande avait seule empêché de lui appliquer en même temps qu’on l’avait fait au Jutland et aux îles? Frédéric VII n’était-il pas maître absolu du