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tie. Le scandinavisme répond à un sentiment vrai des périls et des ressources que les pays du Nord rencontrent autour d’eux et au milieu d’eux. C’est assez dire que sa place est marquée parmi les idées sérieuses qui doivent préoccuper aujourd’hui l’Europe. Vouloir préciser exactement l’époque et le mode de son entier accomplissement serait dépasser les prétentions de cette étude, et, nous le croyons, les limites de la prudence. Nous ne voulions que constater ses progrès, que prévoir tout au plus son succès dans l’avenir, sans nous charger d’en rédiger le programme imaginaire. Toute une nation mise en péril y voit un refuge assuré. N’exagérons pas les sacrifices que cette nation aurait à faire : les duchés devraient lui rester; ces duchés annexés ne seraient pas pour elle, redevenue puissante à l’intérieur, un plus grand embarras que n’étaient à la Suède de 1648 ses possessions continentales; ils lui seraient au contraire un lien précieux avec le reste de l’Europe. Les peuples dont cette nation, dans son péril extrême, invoque la fraternité et l’alliance sont prêts à s’unir à elle; les anciennes haines ont été oubliées, les dissentimens se sont aplanis; la Norvège ne craint pas que l’union nuise en rien au solide édifice de sa liberté; la Suède a tout à gagner et suit son étoile. Encore une fois cependant, la diplomatie européenne tient la clé du problème; nous ne pouvons donc que faire des vœux pour qu’elle s’interpose avant le renouvellement, imminent peut-être, d’une guerre dangereuse et inutile, et pour qu’elle assure enfin, par l’alliance préparée des trois couronnes du Nord, les destinées d’une race intelligente, brave, qui nous est attachée de cœur, et nous sera, comme à tout l’Occident, un précieux boulevard. La politique de la France, celle de Henri IV, de Richelieu, de Louis XIV jeune et encore généreux, celle de Napoléon Ier n’est pas de s’allier aux forts sans nul souci des faibles. La politique française est de protéger les puissances secondaires, de les grouper en un faisceau que rendent consistant et bien cimenté non pas seulement la force du nombre, mais celle de la reconnaissance, celle de l’éternelle justice, du bon droit et de la vérité.


A. GEFFROY.