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religion. Les alliés s’engageraient également à n’acquérir aucun point du territoire chinois sans le consentement de tous, et à n’étendre la qualité et les droits de sujet européen à aucun Chinois sans l’accomplissement de certaines conditions réglées en commun.

Avec ces conditions ou d’autres analogues, nous croyons qu’on pourrait réussir à protéger efficacement les intérêts des sociétés civilisées en Chine, à empêcher, pour un temps du moins, que ce vaste empire, en devenant la conquête exclusive d’une seule nation, ne lui donne une prépondérance écrasante dans les affaires de ce monde. Ces conditions, on l’a dû remarquer, renferment toutes les demandes des associations de Londres et de Liverpool. Nul doute qu’elles ne donnassent également pleine et entière satisfaction au commerce américain, qui ne réclame nulle part que le droit de libre concurrence.

Pour nous Français, ce que nous y gagnerions serait avant tout le droit d’aller protéger efficacement nos missionnaires sur tous les points du Céleste-Empire, de maintenir là, comme partout, ce patronage du culte catholique que nous sommes seuls à exercer en ce monde, et qui, à un jour donné, peut devenir pour nous une nouvelle source de grandeur et de puissance. Nous ne prétendons pas dire que cette protection de la France devrait s’étendre aux Chinois nos coreligionnaires jusqu’au point de les soustraire aux lois de leur pays. On comprend que leur assurer cette sorte d’inviolabilité serait faire d’une autre manière ce qu’on aurait interdit aux Anglais de faire, en stipulant qu’il ne pourrait plus y avoir d’Anglo-Chinois ni de marine chinoise sous pavillon britannique; mais il est permis d’affirmer que du jour où une aussi large entrée aurait été ouverte en Chine à la civilisation européenne, du jour où la tête de nos vénérables missionnaires serait devenue sacrée, la persécution qui cesserait contre eux cesserait nécessairement aussi contre ceux qu’ils évangélisent, et que, par la seule puissance de la vérité, la foi catholique se répandrait, et avec elle le respect du nom français, dans ces lointaines contrées.

Notre commerce, qui, nous devons l’espérer, ne doit pas toujours rester aussi timide qu’il l’est aujourd’hui dans ses entreprises, ne manquerait pas non plus de recueillir sa part des avantages de tout genre que présenterait au génie européen l’exploitation des besoins du peuple chinois. Nous pourrions contribuer à introduire la navigation à vapeur sur ces fleuves, ces canaux, ces lacs, qui servent de voies de communication à des populations innombrables et voyageuses[1].

L’émigration aussi pourrait nous donner de grands résultats. On

  1. Il y a déjà un bâtiment à vapeur chinois sur le Yang-tze-kiang.