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toute discipline de sacrifice qui s’écartait de la coutume romaine, car ces hommes qui possédaient à fond le droit divin et humain, ils ne jugeaient rien plus propre à détruire la religion que de sacrifier, non d’après les usages de la patrie, mais selon les usages étrangers! » Ce qui a pu faire illusion, c’est que les Romains, comme les Grecs, étaient conduits par leur orgueil même à ne voir dans les croyances des différens peuples qu’un reflet de la leur. S’ils reconnaissaient une divinité indigène sous un nom barbare, ils consentaient à lui donner droit de cité ; mais un dieu entièrement différent de leurs dieux, une religion fondée sur une idée contraire ou même distincte, cela, ils ne pouvaient l’admettre. C’était quelque chose d’ennemi qu’ils haïssaient et combattaient avec violence. Ils épargnaient les peuples qui consentaient à se fondre avec eux, et ils exterminaient ceux qui voulaient conserver leur indépendance; ils traitaient les religions insoumises comme les races indomptées.

Parcere subjectis et debellare superbos.


De là cette haine que leur inspiraient les Juifs et les chrétiens, avec leur dieu, le vrai Dieu, unique, immatériel, exclusif, qu’on ne pouvait placer à son rang dans l’Olympe, et qui ne souffrait aucune idole à ses côtés. Le judaïsme fut moins persécuté que le christianisme, surtout parce que ses sectateurs n’avaient pas de penchant à faire des prosélytes; mais à Rome on n’aimait point les Juifs. Septime-Sévère défendit également qu’on se fît juif et chrétien, et sous son règne on voit un Juif battu de verges pour sa religion. Les autres cultes venus de l’Orient furent souvent proscrits. Ici on est frappé d’un singulier contraste : ils sont embrassés avec passion et repoussés avec sévérité. C’est ce qui est sensible surtout dans les vicissitudes de la religion égyptienne chez les Romains.

Les preuves de la présence de la religion égyptienne à Rome sont nombreuses. Elle pouvait, comme l’art de l’Egypte, y avoir pénétré par l’intermédiaire des Étrusques. L’âme, représentée par un oiseau à tête humaine, symbole égyptien, a été trouvée dans des tombeaux de l’Étrurie. Ce qui est certain, c’est que les divinités et les cérémonies égyptiennes ont laissé à Rome plus d’un vestige dans des bas-reliefs où sont figurées des pompes isiaques, dans des chapiteaux où paraît la fleur sacrée du lotus, dans des tombeaux, comme celui d’une prêtresse d’Isis qu’on remarque sur la voie Appienne, enfin dans des statues d’Isis et de Sérapis. Ces statues nous font voir comment les Romains s’étaient en quelque sorte approprié les divinités qu’ils avaient empruntées à l’Égypte. Le dieu Sérapis était devenu chez eux une sorte de Pluton ou de Jupiter souterrain. Rien ne rappelle sa provenance égyptienne que l’air sombre donné à ses