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sortir de l’eau ronde et ridée, avec ses ombres et ses taches, il chuchotait : « Qu’est-ce que cela, Nokomis? » Et la bonne Nokomis répondait : « Autrefois un guerrier très irrité saisit sa grand’mère et la lança contre le ciel à minuit; il la lança contre la lune, et c’est son corps que vous voyez là. » Lorsqu’il voyait l’arc-en-ciel, il chuchotait : « Qu’est-ce que cela, Nokomis? » Et la bonne Nokomis répondait : « C’est le ciel des fleurs que vous voyez là. Toutes les fleurs sauvages de la forêt, tous les lis de la prairie fleurissent dans ce ciel au-dessus de nous, lorsque sur la terre ils se fanent et périssent. »

Pour jouets, le petit Hiawatha eut des fleurs et des métaux brillans; pour compagnons, les petits êtres animés qui l’entouraient, « Il apprit le langage des oiseaux, leurs noms et tous leurs secrets, comment ils bâtissaient leurs nids en été, pourquoi ils se cachaient en hiver, et il leur parlait toutes les fois qu’il les rencontrait, et les appelait les poulets d’Hiawatha. — Il apprit le langage de toutes les bêtes; il apprit leurs noms et tous leurs secrets, comment les castors construisaient leurs maisons, où les écureuils cachaient leurs provisions de glands, comment le renne courait si rapidement, pourquoi le lapin était si timide. Il parlait avec eux toutes les fois qu’il les rencontrait, et les appelait les frères d’Hiawatha. » Cette familiarité avec tous les êtres animés lui donna une grande tendresse pour la nature. Lorsqu’il grandit, un vieil ami de Nokomis, merveilleux conteur d’histoires merveilleuses, grand voyageur et grand parleur, lui fit un arc et des flèches; mais Hiawatha s’en servait peu, et il ne put jamais devenir un grand chasseur. A chaque coin de bois, dans chaque clairière volait ou courait un de ses anciens amis. « Ne nous tue pas, Hiawatha, lui disaient le rouge-gorge et l’oiseau bleu en venant chanter sur son épaule. — Ne nous tue pas, Hiawatha, lui disait l’écureuil en riant à travers les branches. — Ne me tue pas, lui disait le lapin en se dressant sur les pattes de derrière. » Le moyen de résister à d’aussi douces supplications? Cependant Hiawatha n’était point un doux brahme, égarant sa tendresse sur tous les êtres qui témoignent de la toute-puissance du Créateur; cette tendresse était virile. S’il se servait peu de son arc et de ses flèches, ce n’était point par faiblesse, car il savait poursuivre le cerf et le daim sauvage, et il était renommé parmi les chasseurs de sa tribu.

S’il aimait les beaux enfans de la nature, il détestait ses avortons et ses monstres, les reptiles qui vivent dans la vase des marais, les poissons énormes qui se cachent sous l’eau profonde, les bêtes sauvages qui menacent la vie de l’homme. Il en voulait surtout aux monstres des eaux qui empoisonnent les marécages, envoient la peste et la fièvre à l’homme. Pour les combattre, il se construisit un