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révolutions. Son dernier différend avec l’Espagne n’est point encore réglé ; un envoyé mexicain, M. Lafragua, est à Madrid pour négocier la paix, et pendant ce temps le gouvernement de Mexico vient d’être surpris et menacé par une de ces tentatives qui ne sont déjouées un instant que pour se renouveler infailliblement le lendemain. Dans le Nicaragua, Walker triomphe-t-il, comme il le fait dire quelquefois ? Est-il battu, comme on le dit périodiquement et comme on le répète encore aujourd’hui ? C’est une question qui s’agite depuis deux ans bientôt. Les États-Unis eux-mêmes, au milieu de leur prospérité, ne sont point exempts de luttes intérieures. La secte bizarre des mormons, retranchée dans son territoire d’Utah, s’est mise en état de résistance ouverte au pouvoir fédéral, qui ne peut réussir à lui faire accepter un gouverneur. Dans ce mouvement confus, il y a cependant quelques incidens qui intéressent de plus près l’Europe, parce qu’ils se lient à des questions internationales ou à des questions plus générales de prépondérance. L’an dernier, comme on sait, lord Clarendon et le représentant de l’Union, M. Dallas, négociaient et signaient à Londres un traité réglant toutes les affaires de l’Amérique centrale et du Honduras, qui avaient été un moment sur le point de susciter un conflit entre les deux puissances. Ce traité, le sénat de Washington l’a modifié, et l’Angleterre à son tour, bien que peu disposée à se brouiller avec les États-Unis, vient de refuser de ratifier ces modifications, au moins en ce qui concerne particulièrement les stipulations relatives à l’esclavage dans les îles du Honduras. H en résulte que l’Angleterre et les États-Unis se trouvent pour le moment entre l’ancien traité Clayton-Bulwer et le traité récemment négocié par lord Clarendon et M. Dallas, sans que la question soit résolue. Il ne reste maintenant d’autre issue que la résignation de l’Angleterre aux changemens exigés par le sénat américain, ou une négociation nouvelle, à laquelle le cabinet de Washington ne saurait sérieusement se refuser.

Les États-Unis sont aujourd’hui engagés dans une autre querelle, non plus avec une puissance européenne, bien qu’elle ait de l’intérêt pour l’Europe, mais avec une république américaine, avec la Nouvelle-Grenade, à qui appartient l’isthme de Panama, l’un de ces points vers lesquels se tourne incessamment l’ambition des Américains du Nord. Comment est née cette querelle ? Elle est née d’un fait qui aurait dû contribuer uniquement à la richesse du pays et de la fatale inaptitude de ces républiques hispano-américaines à profiter des heureuses fortunes qui leur échoient. L’isthme de Panama était autrefois pauvre et tranquille. Le chemin de fer l’a transformé, et il est devenu un lieu de discorde, le prétexte des réclamations incessantes des Américains du Nord, qui sont bientôt parvenus à s’y établir en maîtres et à tout envahir. Qu’on remarque la situation particulière de cette portion de la Nouvelle-Grenade. Panama a été érigé, il y a deux ans, en état fédéral, c’est-à-dire à demi indépendant. Malheureusement l’isthme est arrivé à cette sorte d’indépendance lorsque depuis longtemps la Nouvelle-Grenade était occupée à se déchirer, lorsque, sous prétexte d’établir la liberté universelle, on détruisait tout gouvernement, et quand, sous prétexte de décentraliser les impôts, on avait fini par les abolir, de telle façon que l’état nouveau s’est trouvé sans moyen d’action et sans ressources d’aucune espèce en face des Américains,