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un doux abandon, elle s’appuie, embrassant à demi notre premier père ; lui, ravi de sa beauté et de ses charmes soumis, sourit avec un amour digne, et presse sa lèvre matronale d’un pur baiser. » Cet Adam a passé par l’Angleterre avant d’entrer dans le paradis terrestre. Il y a étudié la respectability, il y a étudié la tirade morale. Écoutez cet homme qui n’a pas encore goûté à l’arbre de la science. Un bachelier dans son discours de réception ne prononcerait pas mieux et plus noblement un plus grand nombre de sentences vides. « Ma belle compagne, l’heure de la nuit et toutes les créatures retirées à présent dans le sommeil nous avertissent d’aller prendre un repos pareil, puisque Dieu a établi pour les hommes le retour alternatif du repos et du travail, comme de la nuit et du jour, et que la rosée opportune du sommeil, par sa douce et assoupissante pesanteur, abaisse maintenant nos paupières. Les autres créatures, tout le long du jour, vivent oisives, inoccupées, et ont moins besoin de repos. L’homme a son travail journalier de corps et de pensée, institué d’en haut, qui déclare sa dignité et le souci du ciel sur toutes ses voies, pendant que les autres êtres vaguent sans emploi, et que Dieu ne demande aucun compte de leurs actions. » Très utile et très excellente exhortation puritaine ! Voilà de la vertu et de la morale anglaises, et chaque famille le soir pourra la lire en guise de Bible à ses enfans. Adam est le vrai chef de famille, électeur, député à la chambre des communes, ancien élève d’Oxford, consulté au besoin par sa femme, et lui versant d’une main prudente les solutions scientifiques dont elle a besoin. Cette nuit, par exemple, sa compagne a fait un mauvais rêve, et Adam, en bonnet carré, lui administre cette docte potion psychologique : « Sache que dans l’âme il y a beaucoup de facultés inférieures qui servent la Raison comme leur souveraine. Parmi celles-ci, l’Imagination tient le principal office ; avec toutes les choses extérieures que les sens représentent, elle crée des formes aériennes que la Raison assemble ou sépare, et dont elle compose tout ce que nous affirmons ou nions. Souvent en son absence l’Imagination, qui tâche de la contrefaire, veille pour l’imiter ; mais, assemblant mal ces formes, elle ne produit souvent qu’une œuvre incohérente, principalement en songe, par un mélange bizarre de paroles et d’actions présentes ou passées. » — Il y a de quoi rendormir la pauvre Ève. Son mari, voyant cet effet, ajoute en casuiste accrédité : « Ne sois pas triste ; le mal peut entrer et passer dans l’esprit de Dieu et de l’homme sans leur aveu, et sans laisser aucune tache ou faute derrière lui. » Vous reconnaissez l’époux protestant confesseur de sa femme.

Le lendemain arrive un ange en visite. Adam dit à Ève d’aller à la provision : elle discute un instant le menu en bonne ménagère, un peu fière de son potager. « Il confessera que sur la terre Dieu a