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ruines des maisons de Haïdoussa, qu’ils avaient incendiées après un assez vif combat. Cette journée du 27 décembre, dans laquelle on fit à peine quelques lieues, doit compter parmi les plus pénibles que nous ayons eu à supporter. L’avant-garde s’était mise en mouvement à onze heures et demie, ce fut seulement à huit heures du soir que l’arrière-garde arriva au campement. Pendant tout ce temps-là, on avait marché lentement, en silence, par une saison rigoureuse, sans route tracée, suivant avec peine quelques sentiers escarpés, s’attendant toujours à la rencontre d’un ennemi embusqué qu’on ne peut ni prévenir ni éviter, s’offrant individuellement à ses coups sur un terrain qui ne permet à la troupe ni de se déployer ni de se concentrer, et exposé à tous les dangers qu’offre, au milieu de tels obstacles, l’allongement d’une colonne de quatre mille soldats et de cinq cents chevaux ou mulets, sans compter le troupeau, qui chemine homme par homme, bête par bête, et pas à pas.

Les villages que nous dépassons le lendemain, Tiskifin, Okrib, Rbieh, etc., protestent de leur obéissance. Continuant de descendre, nous apprenons que le gros bourg de Chir se dispose à résister.

Chir, situé sur la rive droite de l’Abdi et appuyé à la montagne, coupait notre route. Il fallait l’enlever de vive force ou le tourner par la hauteur, en défilant par un chemin en corniche sous le feu continu des maisons. Au moment de l’atteindre, le colonel Canrobert se porta en tête de ses troupes pour leur faire prendre position, lorsqu’on vit tout à coup les habitans en masse sortir sans armes, en nous saluant du cri bien connu de semi, semi (amis, amis).

Afin de régler les affaires des villages que nous laissions derrière nous, on séjourna le 29 et le 30 à Chir. Le commandant aurait pu en châtier les habitans pour l’air de résistance qu’ils s’étaient donné, et que notre attitude décidée avait seule déconcerté; mais il préféra se montrer bon et généreux, se contentant d’exiger de la paille et du grain pour les besoins de sa colonne. Il savait que la partie virile de chaque village s’échappait à notre approche pour grossir le centre de résistance qui se préparait à Narah, et il espérait bien avoir là l’occasion de faire un exemple salutaire et suffisant.

Toutes les nouvelles, à mesure que nous avancions, s’accordaient à présenter Narah comme résolue à braver nos menaces et à se porter aux dernières extrémités. Les contingens de l’Oued-Abiad étaient accourus se renfermer dans ses murs; les armes et les munitions ne manquaient pas plus que les combattans. Une position jugée inexpugnable par ceux qui l’occupaient ajoutait à l’ardeur de la défense. Du côté de l’attaque, il est vrai, l’ardeur n’était pas moins vive. Depuis notre entrée dans les Aurès, on n’avait pas tiré un coup de fusil; il n’y avait eu que des fatigues et des souffrances. On ac-