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Quelques mots d’explication et d’examen sont ici nécessaires. Le recrutement des Indiens pour les colonies françaises ne se fait point dans les ports anglais de l’Inde, il se fait dans les comptoirs français, notamment dans ceux de Pondichéry et de Karikal ; mais comme la population de nos territoires est très restreinte, il est constant qu’ils ne font guère que servir de lieux de passage aux habitans du territoire britannique qui viennent y demander des moyens de transport à nos navires. Ce qui est également avéré pour tous les hommes pratiques, et connaissant le pays, que nous avons consultés, c’est qu’il n’est pas possible à l’administration anglaise d’empêcher ce passage d’un territoire sur l’autre. Il existe dans la partie française de l’Inde ; pour ce genre d’affaires, toute une organisation dont le siège est à Pondichéry, fonctionnant sous l’œil de l’autorité coloniale, ayant ses moyens d’action, ses agens et sous-agens indigènes. Les premiers, sédentaires, sont sujets français ; les autres, qui vont au besoin chercher les recrues au-delà de la frontière, sont sujets anglais. Les entraves mises à leur propagande peuvent bien rendre leurs services plus onéreux, et par conséquent faire inscrire une plus forte dépense au bilan de l’opération, mais elles ne pourront jamais l’empêcher radicalement de s’accomplir, par suite de la configuration des lieux. Il n’en existe pas moins une foule d’actes émanés de l’autorité de la compagnie des Indes qui, s’ils pouvaient être exécutés, aboutiraient à interdire complètement l’immigration ; mais il est facile de constater, en remontant à la date de ces prescriptions, qu’elles ont été faites en vue de refréner les abus du recrutement tel qu’il s’était opéré pour Maurice. La question à résoudre s’agitait ici entre l’administration anglaise et les sujets anglais ; elle ne regardait nullement la France. Ainsi l’acte de la compagnie véritablement prohibitif de l’immigration remonte à l’année 1839, c’est-à-dire à une époque où l’esclavage existant encore dans ses colonies, la France ne pouvait naturellement songer à cette opération. C’est pourtant sur l’existence de ces dispositions, qui, bien observées, eussent rendu l’immigration impossible même pour les possessions britanniques, que l’on se fonde aujourd’hui pour poser diplomatiquement une sorte d’ultimatum au gouvernement français. D’après un avis émané du foreign-office, les recrutemens ne seraient plus tolérés (et encore moyennant de certaines modifications) que pour l’île de la Réunion, et ils seraient, interdits même pour cette destination, si l’on ne déclarait y renoncer pour les Antilles. L’administration des