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de sa fenêtre, et resta seule dans cette nuit factice. Le matin la trouva assise dans le même fauteuil. Le chagrin était plus forte de son courage maternel. Elle eut peur pour Louison, et, prenant une plume, elle écrivit à sa mère qu’elle serait bien heureuse si sa fille pouvait passer une saison à Blois, où l’air était si bon. « Plus tard, si je peux, j’irai l’embrasser, » disait-elle en finissant.

La mère Béru communiqua cette lettre au père Noël, qui la parcourut d’un trait. — Quitter sa fille! se séparer de Louison!... Madeleine est malade! s’écria-t-il.

Le jour même, le vieil organiste partit pour Paris et tomba comme la foudre chez Madeleine. Elle était assise au coin de la fenêtre, les mains pendantes, regardant les fleurs du tapis. Au bruit de la porte qui s’ouvrait brusquement, elle releva la tête, poussa un cri et se jeta tout en pleurs dans les bras du vieillard.

Le père Noël eut des caresses de femme et de mère pour calmer ce pauvre cœur qui sanglotait. Madeleine se suspendit à son cou : — Ah! ne me quittez plus! dit-elle quand elle put parler. Urbain les surprit tous deux. Il voulut sourire en reconnaissant le père Noël; mais le vieil organiste se dressa d’un air terrible, et, lui montrant sa femme de sa main tendue : — Qu’as-tu fait de Madeleine? s’écria-t-il les yeux pleins de flammes.

Urbain balbutia : — Mais... je ne sais,... dit-il.

— Ah ! tu ne sais pas!... Eh bien! regarde!

Et d’un geste violent il ouvrit la robe qui couvrait la poitrine de Madeleine. Sa maigreur et son épuisement apparurent aux yeux d’Urbain. Il retint un cri; mais le père Noël, le poussant de sa main rude : — Regarde donc! reprit-il; es-tu content? Tu la tues!

Urbain se cacha le visage entre les mains. Le regard du père Noël effraya Madeleine; cette tendresse dont elle croyait s’être déshabituée lui revint au cœur comme un flot. Elle s’élança d’un bond et entoura Urbain de ses bras : — C’est ma faute, je ne lui disais rien! s’écria-t-elle.

Le père Noël fut désarmé; il enleva Madeleine doucement des bras de son mari. — Allons, dit-il, ne pleure plus, j’arrive à temps pour vous sauver !

Il profita d’un moment où Madeleine endormait sa fille pour entraîner Urbain dans une pièce voisine.

— Çà, lui dit le père Noël avec un geste d’autorité qui ne permettait pas le mensonge, tu n’as plus rien?

Urbain fit un signe de tête affirmatif.

— Et il n’y a pas cinq ans! s’écria le père Noël. L’expérience est-elle faite? reprit-il en passant la main dans sa crinière de cheveux gris.

Urbain n’osa pas répliquer. Malgré l’audace et l’aplomb qu’il