Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

température, car on voit que quelques-uns ont été incomplètement fondus à la surface et sont soudés les uns aux autres. Une traînée plus longue encore descend du Pepandajan et permet aussi de remonter la ligne du courant boueux jusque dans le cratère, rempli par une nappe de rochers. L’immense cône du volcan Lawu est traversé par une large fissure, remplie également de ruines ; sans les troncs d’arbres qui forment des ponts naturels d’un roc à l’autre, on ne pourrait gravir cette pente hérissée.

Les éruptions des volcans des Andes sont, comme celles des volcans javanais, signalées par la formation de torrens boueux ; mais on ne peut attribuer ce phénomène aux mêmes causes, du moins dans tous les cas. Les neiges éternelles qui couronnent ces hautes montagnes sont quelquefois fondues par les vapeurs qui sortent des volcans, et produisent alors de subites inondations. C’est ainsi qu’en 1803 l’immense coupole qui couronne le sommet du Cotopaxi disparut entièrement dans l’espace d’une nuit. Suivant M. de Humboldt et M. Boussingault, les montagnes trachytiques des Cordillères sont pénétrées d’une multitude de cavités qui se remplissent d’eau par une lente infiltration. Les ébranlemens qui accompagnent les éruptions les vident, et les eaux souterraines, souvent peuplées d’une multitude de petits poissons, sont expulsées. Ce phénomène, singulier accompagna l’éruption du Carguairazo en 1698 et celle du volcan Imbaburu en 1671. Les observations, malheureusement si peu nombreuses, que l’on possède aujourd’hui sur les volcans des Andes nous laissent encore ignorer si les fleuves boueux qui en descendent sont dus uniquement à la fonte des neiges et au déversement des réservoirs intérieurs. La boue transportée dans les vallées et les plateaux, nommée par les naturels moya, est formée par des matériaux volcaniques et les débris des roches qu’ont décomposées les vapeurs souterraines.

Dans l’émouvant récit de son ascension sur le volcan Pichincha[1], voisin de Quito et rendu autrefois célèbre par les travaux de La Condamine et de Bouguer, M. de Humboldt note un fait singulier, qui me paraît pourtant établir un trait de rapprochement entre les éruptions des volcans de Java et celles des volcans des Andes. Le célèbre voyageur mentionne de nombreux blocs aux arêtes aiguës épars au pied du volcan de Pichincha, dans un lieu qu’on nomme la Plaine de Pierres. « Je crois, écrit-il à ce sujet, que ces roches n’ont pas été lancées par le cratère actuel du Pichincha, mais que peut-être, lors des premiers soulèvemens de la montagne, elles ont été précipitées

  1. Mélanges de Géologie et de Physique générale, par M. Alexandre de Humboldt, Paris, 1854.