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de loi en présence : la proposition royale, contre-signée par M. Günther, ministre de la justice, et repoussée hautement, nous l’avons vu, par le ministre des cultes ; — la proposition du comité législatif, beaucoup moins tolérante que la première, — et une troisième, plus intolérante encore, émanant de l’initiative particulière de certains membres. Le véritable débat portait sur l’adoption ou le rejet de la proposition royale. Les défenseurs de cette proposition appartenaient surtout à l’ordre des bourgeois, ses adversaires à l’ordre des prêtres et des paysans. Quant à l’ordre de la noblesse, on sait qu’il comprend trois classes distinctes : les comtes et barons, les chevaliers ou anciens gentilshommes, les écuyers ou gentilshommes dont les titres ne remontent pas au-delà du règne de Charles XI. Or c’était surtout parmi les chevaliers que les députés de la bourgeoisie avaient trouvé un certain nombre d’auxiliaires. Le général Lefrén parla le premier, et ce fut pour attaquer avec véhémence la proposition royale. L’argumentation du général est toute soldatesque ; il va droit au fait comme on monte à l’assaut. Le catholicisme, s’il faut l’en croire, menace d’envahir la Suède ; il n’y a qu’un moyen d’arrêter ses progrès : c’est la confiscation et le bannissement. Vous lui diriez qu’il ne s’agit pas seulement des catholiques, mais des protestans non luthériens, des protestans fidèles à l’esprit de leur église, de ceux qui ne veulent pas s’immobiliser dans l’étroite orthodoxie du XVIe siècle, qui prétendent vivre de la vie de l’âme et développer librement leur foi selon les besoins de leur cœur ; vous ajouteriez que la crainte du catholicisme en Suède est une chimère, et qu’après tout la compression ténébreuse exercée par l’église suédoise servirait plus efficacement la propagande catholique que ne le feraient la liberté et la lumière : toutes vos raisons seraient vaines. Le général Lefrén a entonné un air de bravoure, et il continue de chanter : bataille, comme Almaviva dans le Barbier de Séville. M. Knoss, l’un des dignitaires du diocèse d’Upsal, succède au général Lefrén. C’est un casuiste, un théologien jurisconsulte, décidé à maintenir au profit de l’église suédoise les peines coercitives du temps de Charles XI, mais décidé aussi à prouver que cette coercition n’est pas du tout incompatible avec les principes du protestantisme. Cette preuve est difficile à fournir ; écoutez le subtil orateur. « Il y a, dit le prélat, trois sortes de liberté religieuse : 1o la liberté de penser et de croire, 2o la liberté de professer publiquement sa foi, 3o la liberté d’enseigner sa religion. Or la liberté de conscience établie par Luther, c’est simplement la liberté du for intérieur, le droit de penser à sa guise et de croire à tel ou à tel dogme ; quant à la liberté de professer publiquement ces croyances particulières, et surtout de les enseigner à d’autres, Luther la condamne sans réserve, et le bannissement est la peine qu’il inflige à ceux qui se séparent de la religion de l’état. » Laissez de côté les erreurs historiques, supposez que l’orateur parte de Calvin, et non de Luther, qu’importe ? Voilà donc le protestantisme suédois qui en est encore aux violences du XVIe siècle, et qui ne craint pas d’en