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de la discussion, germerait en silence dans ces âmes fanatisées. Nous l’espérons avec lui, et il faut se féliciter pour la Suède que les vigoureuses remontrances de M. Gederschjoeld n’aient pas retenti seulement dans la salle de la noblesse. M. Samuel Odman, M. L.-J. Hjerta, M. le comte Liljencranz, M. Lallerstedt, M. de Koch, M. le baron Cederstroem, M. P.-R. Jernsmeden, enfin M. Günther, ministre de la justice, qui ont vaillamment soutenu les mêmes principes, n’auront pas sans doute parlé en vain, bien qu’ils n’aient pu remporter une victoire immédiate. Il restera quelque chose de cet enseignement adressé aux quatre ordres par des esprits éclairés et des voix éloquentes.

La délibération en commun avait occupé sept séances ; le 30 octobre, les quatre ordres rentrèrent dans leurs salles particulières, et le 31 on procéda au vote. Le résultat, on peut le dire, était connu d’avance. La bourgeoisie seule accueillit la proposition du roi ; le clergé, la noblesse et les paysans la repoussèrent à une forte majorité. Les espérances que les esprits libéraux avaient fondées sur la noblesse, surtout après les pressantes exhortations de M. Cederschjoeld, après les explications lumineuses de M. Günther, furent tristement déçues. On est accoutumé en Suède à voir les membres de cet ordre se conformer sans résistance aux vœux du gouvernement ; la plupart de ces comtes et de ces chevaliers sont médiocrement assidus aux séances de la diète ; ceux d’entre eux qui ont des grades dans l’armée ou des fonctions civiles (c’est le plus grand nombre) ne se rendent guère aux états que pour obéir à une consigne, et quand le ministère a besoin de leurs voix, il trouve là une majorité toute prête. Or on affirme à Stockholm que, si le roi Oscar n’eût pas été obligé de confier la régence au prince Charles, le vote de la noblesse eût été bien différent. Nous persistons à croire que les intentions du régent sont mal comprises ; le prince qui, au moment de la guerre d’Orient, a contribué si efficacement à détacher la Suède de la politique russe, ne peut désirer le maintien d’une législation dont la Russie elle-même ne veut plus. Quoi qu’il en soit, la noblesse n’a pas fourni aux défenseurs de la civilisation et du droit tout l’appui qu’on espérait d’elle ; au contraire, les députés de la paysannerie se sont montrés moins.hostiles qu’on ne l’avait craint ; sur quatre-vingt-dix votans, vingt et un se sont déclarés pour l’admission de la loi nouvelle. Cette minorité, relativement considérable, est un consolant symptôme. Les populations des campagnes étaient complètement dominées jusqu’ici par l’influence ecclésiastique ; si des sentimens libéraux commencent à s’éveiller chez ces âmes simples, il y a lieu d’espérer qu’elles réussiront un jour à briser leur joug. Ce ne sont pas, il est vrai, de bien vives sympathies pour le catholicisme qui ont décidé ce vote des vingt et un ; ils ont songé surtout aux protestans non conformistes, ils ont rougi de s’associer à une pensée de persécution contre des âmes pieuses, animées de l’esprit de l’Évangile et de l’esprit de la réforme ; qu’importe ? Accordée aux uns, la liberté profiterait aux autres. La vie religieuse s’est pétrifiée dans