Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/500

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demeurent souvent des mois entiers à Pesth sans se connaître. « La science a été de tout temps le premier amour d’un Allemand, et le symbole de la science est la chouette, l’oiseau de Minerve et l’ami de la solitude. » On se réunit en famille, on joue aux cartes pendant la fin de l’automne, on fête l’arbre de Noël, on boit du punch à la Saint-Sylvestre, et l’on danse pendant le carnaval. L’esprit de caste disparaît dans ces réunions ; il y règne la même liberté de ton que dans les soirées dansantes des villes de bains. Les danses à figure et à caractère, les danses nationales des tsiganes de viennent de plus en plus rares ; on ne les retrouve qu’aux bals de jeunes gens. Le coasdus se conserve cependant à côté du quadrille. Le Lloyd de Pesth et la Société de Charité des dames donnent presque seuls de grands bals. À Pesth, comme partout aujourd’hui, on danse pour l’amour du prochain et sous la présidence de dames patronesses. Cette société des dames a été fondée en 1817, pendant une famine, par la grande-duchesse Hermine, deuxième femme du grand-duc palatin Joseph. Le 20 mars 1852, une crèche a été établie avec une douzaine de lits. On y paie deux kreuzers par jour pour un enfant de moins d’un an, et trois pour ceux au-dessus de cet âge. Un institut des jeunes aveugles a été créé en 1842, et un établissement des orphelins en 1843.

Toutes ces fondations, en même temps que le mouvement intellectuel, semblent avoir été arrêtées par les derniers événemens. L’aristocratie est retirée dans ses terres : elle n’en sort que l’hiver, pour aller, il est vrai, à Presbourg et à Pesth plutôt qu’à Vienne, afin de conserver la richesse dans le pays ; mais à Pesth même, elle ne fait plus rien pour l’embellissement d’une ville dont elle possède les deux tiers. M. Demeter Dudumi se plaint beaucoup de cette conduite des magnats. « Ils oublient, dit-il, que la devise de leurs pères a toujours été : Aide-toi, le ciel t’aidera ; ils proclament par leur silence qu’ils ne se sentent plus appelés à diriger la vie nationale. Ils succombent moins par la perte de leurs droits que par leur faiblesse et l’oubli d’eux-mêmes. Au lieu d’avoir conscience de leur force et de mettre leur gloire à la montrer, ils ne savent que s’abstenir. Leurs pères leur avaient pourtant légué d’autres traditions. Au XVIIIe siècle, comme au commencement du XIXe, la grande seigneurie donnait l’exemple de toutes les vertus civiques, elle fondait des musées et des bibliothèques, elle encourageait l’agriculture et l’industrie, elle protégeait les arts, véritable rôle de l’aristocratie, aujourd’hui que les chevaliers du glaive doivent devenir les chevaliers de l’esprit, et que l’on ne dit pas le baron Joseph Coetvoos, mais le spirituel poète Coetvoos. Cependant la noblesse semble ne plus lire. Aussi n’est-ce plus à elle que s’adressent nos modernes écrivains. Au lieu de s’élever, la littérature s’abaisse ; elle se fait populaire, et à bon marché. Le Journal du Dimanche a dix mille abonnés, la Bibliothèque du Dimanche qui donne dix volumes pour 2 florins, a aussi des abonnés en grand nombre ; mais qu’y gagnent l’art et la poésie ? »

Nous ne saurions partager entièrement l’opinion exprimée par M. Demeter Dudumi sur les tendances actuelles de la littérature de son pays. La vie intellectuelle sommeille en Hongrie depuis quelques années, nous voulons bien l’admettre avec lui ; mais il y a des repos qui ne sont qu’apparens, et si à