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haut en faveur de la spéculation, et de même qu’on a pu dire à l’avantage de celle-ci qu’elle se confondait de plus en plus avec l’industrie, on se plaît souvent à condamner cette dernière comme une forme nouvelle de la spéculation proprement dite. Dans l’une et l’autre, c’est le même objet qui est en vue, le même but poursuivi, le même résultat d’un gain facile et prompt cherché et obtenu. Qu’il y ait du vrai dans ces reproches, que toutes les entreprises industrielles ne soient pas sérieusement méditées et pratiquées, on en saurait certes le nier. La situation des finances publiques dans une grande partie des états européens, le déficit des budgets, le nombre des emprunts ; émis non-seulement par suite d’événemens politiques, mais encore pour suffire à la création de grands travaux entrepris peut-être avec trop de hâte, nous ont révélé déjà un malaise que de nouvelles complications pourraient changer en une situation des plus graves. Sans employer dans le même sens l’expression familière à M. Prudhon, il est évident que la liquidation n’est pas faite, et que l’Europe entière, états et particuliers, doit aviser au classement définitif de tous les titres qui représentent des entreprises plutôt en cours d’exécution qu’achevées, et donnant leurs résultats définitifs. D’autre part cependant, si l’industrie ne guérit pas, comme la lance d’Achille, les blessures qu’elle fait elle-même, ses progrès sont tels et peuvent s’étendre dans une proportion si indéfinie, que nous avons encore à parcourir une bien longue carrière avant d’arriver au terme où il convient de s’arrêter. Les chemins de fer, la télégraphie viennent à peine de laisser entrevoir les merveilles que leur diffusion doit produire ; les continens s’apprêtent à ouvrir, à travers leurs espaces, des passages nouveaux à l’audace des peuples anciens ; les empires jusqu’ici fermés voient tomber leurs murailles et les terres les plus lointaines semblant tressaillir à l’approche du génie de la civilisation moderne. Que de richesses promises, non pas à l’âpre convoitise des spéculateurs, mais au travail honnête de l’industrie ! Devant de telles perspectives un peu trop d’empressement est excusable ; d’ailleurs cette précipitation a su se contenir, chez nous, dans des limites plus étroites que partout ailleurs, et nous nous sommes signalés par des mérites qu’il serait injuste de méconnaître. Sans entrer à cet égard dans un examen qui exigerait de longs développemens, il suffit, pour constater la prudence, l’équité et le libéralisme de l’industrie et du commerce français, de constater leur tenue dans la crise actuelle, l’amélioration incontestable du sort des ouvriers, les rapports qui deviennent de plus en plus étroits avec les nations voisines, enfin le concours que nous prêtons à l’étranger sous la forme d’entreprises de tout genre, parmi lesquelles l’établissement des chemins de fer tient le premier rang.

Je viens de dire le libéralisme de l’industrie, et ce mot amène à