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leçons de mon oncle aidant, vous n’aurez plus à regretter ce pauvre Castor,... dont je connais aujourd’hui la fin malheureuse. Oh! il y a des êtres bien méchans! poursuivit la jeune fille les yeux brillans d’indignation.

— Oui, il y a des êtres bien méchans! répéta le baron... Il poursuivit après une pause d’une voix solennelle : — Verdurette, m’aimes-tu? aimes-tu ta maîtresse?

— Si je vous aime tous deux! reprit la jeune fille, assez étonnée de cette apostrophe... Oh! vous n’en doutez pas! poursuivit-elle avec l’accent du cœur.

— Il y a des gens bien méchans dans ce monde, répéta le baron, et tu sais de qui je veux parler, car depuis bien longtemps tu as été ma seule confidente. Aujourd’hui il ne s’agit plus de moi, de mon repos, mais du bonheur de l’enfant qui est la consolation de ma vie. Je sais, à n’en pas douter, qu’un être infâme cherche à semer la désunion dans son ménage. Aussi je te demande les larmes aux yeux de n’avoir pas de secrets pour moi, de me dire tout, oui, tout!...

— Ne vous exagérez pas les choses, mon parrain, interrompit vivement Verdurette. M. Le comte est toujours bon au fond, quoique ce ne soit plus, il est vrai, l’excellent jeune maître d’autrefois : pour un rien, il gronde, il s’emporte contre tout le monde, même contre madame, cela sans mauvaises intentions, j’en mettrais ma main au feu. Avant-hier, par exemple, madame avait reçu deux chapeaux de Paris ; eh bien ! monsieur ne les a pas trouvés de son goût : la paille en était trop commune, les rubans mal assortis. Il ne lui a pas fallu d’autre motif pour reprocher à madame, et cela très sévèrement, de ne pas dépenser assez d’argent pour sa toilette, de s’habiller toujours si simplement que l’on pouvait croire qu’il lui refusait le nécessaire, tandis qu’elle devait savoir qu’il lui laissait toute liberté dans ses dépenses... Ma pauvre maîtresse! est-ce sa faute s’il lui suffit d’une robe de mousseline et d’une fleur dans les cheveux pour être jolie entre les plus jolies? Monsieur ne devrait pas s’en plaindre, à sa place peu de maris s’en plaindraient.

Le baron n’attacha pas un grand intérêt à ce commentaire conjugal digne d’une soubrette de Marivaux, et, fixant sur la jeune fille des yeux qui semblaient vouloir lire au plus profond de sa pensée : — J’ai ta promesse sacrée? dit-il.

Verdurette porta la main sur sa poitrine d’un geste silencieux, qui, mieux que tous les sermens, disait le dévouement absolu de son cœur au baron et à sa jeune maîtresse.

Lorsque quelques instans avant cette entrevue la nièce de Laverdure avait été porter au comte de Marmande dans les jardins ses lettres et journaux, ce dernier avait immédiatement entassé les jour-