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revenu que les anciennes, quelques esprits en ont conclu que la France commençait à en avoir trop, et qu’il fallait s’arrêter. Très heureusement cette doctrine n’a été partagée ni par l’opinion publique ni par le gouvernement. On ne doit pas juger une entreprise par les profits qu’elle donne à son début. Les lignes aujourd’hui les plus prospères n’ont pas beaucoup mieux commencé. Il faut tenir compte des circonstances critiques de guerre et de disette, et, ce qui a dû agir peut-être plus encore, des dépenses extraordinaires qui ont porté une activité factice sur quelques points privilégiés, aux dépens du reste de la nation. Avec la paix, une succession de bonnes récoltes, une réduction notable et une plus égale distribution des dépenses publiques, on verra la circulation se répandre plus uniformément sur toute la surface du territoire, et si après tout il devenait nécessaire que l’état vînt au secours des chemins à ouvrir, ce ne serait qu’un acte de stricte justice. L’état a dépensé 700 millions, dont les régions pauvres ont payé leur part, pour doter de voies de fer les régions riches ; il est tout simple que les régions riches contribuent à leur tour pour en ouvrir dans les régions pauvres.

Les ingénieurs des ponts et chaussées poursuivent les études commencées pour rechercher les moyens d’atténuer les ravages des inondations. L’un d’eux, M. Monestier-Savignat, chargé d’étudier une de nos rivières les plus torrentielles, l’Allier, vient de publier les résultats de son travail. Le problème ne lui paraît pas insoluble, et pour préserver le bassin de l’Allier des dévastations causées par les crues, il propose une dépense de 16 millions. Avec 34 millions de plus, il se fait fort d’établir dans le même bassin un système général d’irrigation, de dessèchement, de consolidation et de conquête des terrains improductifs, de plantations, etc., qui rapporterait, d’après lui, en augmentation de produits agricoles, de 10 à 20 pour 100. L’expérience seule peut décider. Les ponts et chaussées ont aujourd’hui une tendance marquée vers les travaux d’utilité agricole ; il serait bien regrettable que cette direction d’idées ne fût pas mise à profit. Elle a un danger sans doute en ce qu’elle pousse à l’augmentation indéfinie des dépenses publiques ; mais on peut très bien s’arrêter sur cette pente, tout en accordant à l’impulsion nouvelle une satisfaction légitime. Le budget actuel des travaux publics en donne les moyens, puisqu’il s’élève à près de 100 millions ; avec un million par département et par an, on peut faire bien des choses. Une fois l’exemple donné par l’administration des travaux publics, le reste peut s’exécuter par des entrepreneurs particuliers ou par des syndicats de propriétaires.

Nous avons eu pendant la guerre 600,000 hommes sous les armes ; nous en avons aujourd’hui à peine 400,000. C’est un effectif de