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Malgré la courageuse fierté avec laquelle il avait répondu à la déclaration de guerre de Henri VIII, François Ier sentait combien il lui serait difficile de résister à tant d’ennemis prêts à l’attaquer sur tant de points. S’il avait été vraiment habile ou seulement bien inspiré, il aurait renoncé à ses ruineux héritages d’Italie, qu’il fallait sans cesse conquérir et qu’on ne pouvait pas garder, qui depuis un quart de siècle avaient englouti un si grand nombre d’hommes, coûté des sommes si considérables d’argent, et qui épuisaient le royaume sans pouvoir en réalité l’agrandir. Il aurait reporté le mouvement de conquête militaire et d’accroissement territorial du côté du nord, où la France avait besoin d’être étendue et par où il était facile de l’envahir. L’occasion était fort belle, et les moyens ne lui manquaient pas. En abandonnant les projets qu’il nourrissait sur l’Italie et qui étaient une déviation de la vraie politique nationale, comme Louis XI l’avait entrevu avec une si nette perspicacité, il ne pouvait être ni sérieusement ni dangereusement attaqué sur ses frontières lointaines du midi. En dirigeant ses forces et son ambition du côté des Flandres et des Ardennes, il n’y aurait pas rencontré l’Espagne, l’empire, Florence, le saint-siège et même Venise, dont il allait avoir les armées sur les bras au-delà des Alpes. Il n’aurait eu à combattre que l’Angleterre, réduite à Calais et au comté de Guines, et que la puissance espagnole, trop éloignée des Pays-Bas pour qu’il lui fût aisé de les défendre. François Ier aurait pu, comme le fit dans une occurrence pareille et trente-cinq ans plus tard son fils Henri II, enlever aux Anglais, déjà dépossédés de tant de provinces dans le siècle précédent, ce dernier pied-à-terre sur le continent, et fermer ainsi la porte à leurs invasions. Ce qu’il aurait délaissé, en Italie, il l’eût regagné dans les Pays-Bas, à la sûreté desquels Charles-Quint aurait pourvu d’autant plus difficilement qu’il aurait été exposé aux attaques des Italiens, aspirant à se délivrer de la domination espagnole lorsqu’ils n’auraient plus eu à craindre la domination française.

Mais, au lieu de changer son champ de bataille, François Ier voulut se présenter de nouveau sur celui où il avait été déjà vaincu et où l’attendaient de plus désastreuses défaites. Se bornant à protéger la frontière du nord-ouest, qui aurait dû être son point de départ pour jeter les Anglais à la mer et s’étendre aux dépens des Flamands, il disposa tout pour reparaître au-delà des Alpes, qu’il n’aurait plus dû franchir. Il leva une armée considérable, qu’il eut le dessein de commander lui-même. Afin de la tenir longtemps en campagne en lui payant plus régulièrement sa solde, il amassa de