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tous sens jusqu’à ce que, venant se perdre à la surface terrestre, elle imprime à tous les objets un choc d’autant plus violent qu’ils sont plus isolés et plus saillans : on peut expliquer ainsi qu’on n’ait point ressenti parfois, au fond des mines, des mouvemens assez marqués à la surface du sol. Si Strasbourg ou Anvers étaient jamais agités par un violent tremblement de terre, les magnifiques cathédrales qui en sont l’ornement seraient certainement renversées plus facilement que les maisons et les édifices qu’elles dominent. Le tremblement de terre qui, en 1855, agita d’une manière effrayante la vallée du Rhône, auprès de Vispe, fut légèrement ressenti dans une partie de la vallée du Rhin. À Strasbourg, la secousse, extrêmement faible dans les maisons, fut beaucoup plus marquée sur la plate-forme qui sert d’appui à la flèche de la cathédrale ; le gardien qui l’habite vit de l’eau se projeter en dehors d’un grand bassin où on a l’habitude d’en garder. C’est cette concentration subite d’une immense force vive dans les parties les plus superficielles du sol qui donne lieu à ces singuliers phénomènes de projection qu’on a signalés dans les tremblemens de terre de Lisbonne, de Murcie, de Valence, de la Guadeloupe, et particulièrement dans ce terrible tremblement de terre des Calabres qui, en 1783, coûta la vie à 130,000 personnes. Lors du tremblement de terre très récent qui vient d’agiter la Basilicate et la Principauté-Citérieure, on a vu en beaucoup de points tous les objets légers jetés à de grandes distances, les meubles les plus lourds entraînés avec rapidité, les vitres éclatant en une infinité de débris.

La plupart des tremblemens de terre sont annoncés et accompagnés par des bruits souterrains qui d’ordinaire ressemblent au roulement lointain de lourdes voitures sur le pavé ; mais ce phénomène n’a rien de constant. M. de Humboldt rapporte que le fameux tremblement de terre qui détruisit Riobamba ne fut précédé d’aucun bruit ; vingt minutes seulement après le premier choc, on entendit un frémissement souterrain, mais seulement au-dessous de Quito, assez loin du centre de l’ébranlement. Les ondes sonores qui se propagent dans les couches terrestres sont indépendantes des ondes qui viennent remuer la surface du sol ; elles voyagent avec une autre vitesse et souvent dans une autre direction. Suivant M. Jules Schmidt, professeur à Bonn, la vitesse des bruits souterrains qui accompagnent les tremblemens de terre n’est pas supérieure à la vitesse du son dans l’eau, qu’on a pu déterminer par l’expérience. Quant aux ondulations proprement dites, on peut affirmer qu’elles se propagent beaucoup plus rapidement dans les parties solides que dans l’eau. Il arrive en effet fréquemment, surtout au Chili, qu’après un tremblement de terre d’énormes vagues arrivent de la haute mer et se précipitent sur la côte : le lit solide de l’Océan-Pacifique transmet le mouvement ondulatoire beaucoup plus vite que l’Océan lui-même, car ces marées extraordinaires ne précèdent jamais les oscillations, et en sont souvent séparées par un intervalle assez long.

Il y a longtemps qu’on a signalé une coïncidence entre les tremblemens de terre et les phénomènes volcaniques. M. de Humboldt en a cité de nombreux exemples. Dès l’époque de son voyage en Amérique, il attribuait les tremblemens de terre qui détruisirent Cumana en 1797 et Caracas en 1812 à l’influence des volcans des Antilles. Il ne semble pas éloigné d’admettre aujourd’hui que les tremblemens de terre proprement dits, qui étendent leur