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n’use point sa puissance magnétique à attirer le fer, ni la pile sa force électrique à dégager le fluide ; mais la torpille use la sienne à chacune de ses décharges. » Or en quoi consiste le repos de l’animal ? A quelle limite s’arrête la diminution de son énergie vigilante ? Va-t-elle jusqu’à la mort, et son réveil est-il absolument une renaissance ? Si l’on veut s’en assurer, que l’on considère, non le sommeil quotidien de l’animal, mais ce sommeil annuel plus profond, pendant lequel la vie se cache si complètement, qu’il est permis à l’observateur ordinaire d’en révoquer en doute la continuation. Eh bien ! dans les derniers replis de ces enveloppes engourdies et froides, dans ces corps paralysés, ensevelis, desséchés même, un reste de vie couve qui, comme une étincelle, jaillira quand il sera temps et rallumera le feu de l’existence. Ne nous laissons pas prendre aux apparences : sans doute, au fur et à mesure que l’assoupissement augmente, la respiration diminue ; toutefois elle persévère. Dans l’assoupissement modéré, la marmotte fait encore sept ou huit inspirations par minute, le hérisson quatre ou cinq, le loir neuf ou dix. Peu à peu cependant la chaleur baisse, l’oxygène se dépense, il s’épuise. Quand il n’en reste plus un seul atome, l’animal ne respire plus. Est-ce-la mort ? Pas encore. Le sommeil même n’est pas complet. Qu’il augmente, qu’il opprime lourdement l’animal, le principe vital échappera à son empire. En effet la circulation, infiniment ralentie, n’a pas néanmoins cessée ce qui suppose dans le cœur un mouvement encore persistant et même régulier. Bien qu’affaiblies, les fonctions nutritives, s’exercent dans une mesure égale à celle de l’assoupissement ; elles continuent à tendre vers leur but de conservation. Les savans citent telle marmotte qui, réveillée tout à coup par une cause quelconque, a pris de la nourriture et s’est rendormie après pour plusieurs mois. Enfin la sensibilité et la contractilité musculaires, prodigieusement engourdies pendant l’hibernation, n’ont pas pour cela disparu comme dans la mort complète. Le cœur d’un animal hivernant tué en léthargie donnait jusqu’à quatre légères pulsations par minute trois heures après la décapitation.

Ainsi les plus infimes animaux ne dorment pas absolument : leur sommeil n’est qu’une moindre vie. La nuit des plantes elles-mêmes est occupée et active. Se pourrait-il que le corps de ce vivant, comme Leibniz appelle l’homme, dormît d’un sommeil plus intense et plus semblable à la mort ? Non, ces yeux qui nagent et se ferment, ce visage dont les traits perdent peu à peu toute expression, ces bras et ces mains qui mollissent, ce corps qui s’abandonne comme une masse inerte à la pesanteur qui l’entraîne, et qui semble attester clairement l’épuisement total et la défaite des organes, ne donnent le change ni au simple bon sens, ni surtout à la science. Si frais et si calme que soit le sommeil de l’enfant, si profond que soit celui du