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pas (environ quatre mille cinq cents mètres) ; de tous les autres côtés, elle était entourée d’une ceinture de collines peu distantes entre elles et d’égale hauteur. Sous le mur de la ville, toute la partie orientale de la colline[1] était remplie de troupes gauloises que protégeaient un fossé et une muraille de pierres sèches haute de six pieds.

César résolut d’envelopper cette position par des ouvrages dont le périmètre était de onze mille pas (environ seize mille mètres). À cet effet, il disposa ses camps dans des lieux convenables, et y fit vingt-trois redoutes (castella) pour empêcher les sorties de l’ennemi (eruptio). Elles étaient occupées le jour par des postes (stationes), la nuit par des hommes de garde (excubitores) et de forts piquets (firma præsidia).

Les travaux commençaient lorsqu’un combat de cavalerie s’engagea dans la plaine. Il fut fort disputé, et César, craignant que l’infanterie ennemie ne s’en mêlât, dut faire prendre les armes aux légions, qui se rangèrent devant leurs quartiers. À cette vue, quelque hésitation se manifeste parmi les Gaulois ; leur nombre engendre le désordre, ce qui arrive toujours dans les instans critiques parmi les armées barbares. Les Germains redoublent d’énergie. César juge la situation avec son coup d’œil ordinaire ; il fait faire un léger mouvement en avant aux légions. C’était un rien, « mais ce sont ces riens qui sont le génie de la guerre[2]. » Celui-ci fut décisif : les Gaulois croient à un assaut ; leurs cavaliers fuient vers leurs retranchemens ; les portes sont trop étroites, et plusieurs, abandonnant leurs chevaux, essaient d’escalader la muraille. Leurs fantassins crient aux armes ; quelques-uns se sauvent vers la ville, dont Vercingétorix fait fermer les portes, pour que le camp ne soit pas abandonné. Enfin les Germains se retirent après avoir fait un grand carnage, et ramenant beaucoup de chevaux.

Éclairé par le funeste résultat de cette journée, renonçant à percer avec ses seuls moyens le cercle qui déjà l’enveloppait, Vercingétorix prit une résolution opportune : sans attendre que les Romains eussent achevé leurs ouvrages, il se décida à renvoyer ce qui lui restait de cavaliers. Il les chargea de faire connaître sa situation aux tribus, d’enflammer leur courage. Sans un prompt et grand effort, la liberté de tous périrait avec lui et avec les 80 000 hommes d’élite enfermés dans Alesia. Il avait pour trente jours de grains : en im-

  1. Nous répétons ici le mot colline autant de fois que le mot collis se rencontre dans le texte de César. Cette description étant une des bases de la discussion actuelle, nous n’avons pas cru qu’il fût loisible de chercher ici des synonymes, chacun étant libre de donner au mot colline le sens qui lui convient.
  2. Mémoires de Napoléon, t. VII, p. 62, à propos de Turenne.