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XII.

Lorsqu’on a terminé la lecture attentive des chapitres 69 à 88 du septième livre des Commentaires, un simple coup d’œil donné à la carte d’Alise rappelle à l’esprit d’une façon si frappante les principales circonstances du récit de César, que toute démonstration semble superflue.

Le Mont-Auxois est une colline haute, isolée. Au nord, à l’est et au sud, il est entouré par des collines dont il est séparé, à l’est par un col assez bas, au nord et au sud par deux vallons où coulent l’Ose et l’Oserain. Ses flancs sont brusquement coupés par une cein-

    les rejoindre avec six cohortes. Ce secours est inutile ; le camp est enlevé par les Gaulois. Labiénus rallie en rase campagne les treize ou quatorze cohortes qui occupaient les redoutes voisines, et se retire en disputant le terrain, jusqu’à ce qu’il soit rejoint par César avec les dernières réserves, et que le mouvement tournant de la cavalerie ait décidé la victoire.
    Ici encore le fond du récit de M. Delacroix subsiste, mais avec une forme plus précise. Aux observations que nous avons déjà présentées, nous croyons devoir en ajouter quelques autres.
    Le front attaqué par Vercassivellaun était pourvu de toutes les défenses compliquées que décrit César au chapitre 73, car les Gaulois durent couvrir de terre et les fossés et les pièges. (Agger ab universis in munitionem conjectus, et ascensum dat Gallis, et ea quæ in terram occultaverant Romani contegit. Cap. 85.) Faut-il croire après cela que cette partie des retranchemens avait été construite avec négligence ? et n’y a-t-il paslà un indice que le front attaqué par Vercassivellaun appartenait à la circonvallation ?
    Ce n’est pas par une retraite, c’est par une charge que César avait autorisé Labiénus à se tirer d’affaire, et ce n’est pas pour aller en arrière que ce dernier eût été disposé à enfreindre les ordres de son chef. D’ailleurs ici un coup d’audace présentait plus de chances de succès qu’un mouvement rétrograde. Comment ce mouvement rétrograde aurait-il pu s’exécuter ? On comprend que des troupes bien soutenues puissent évacuer un retranchement ouvert à la gorge ; mais par où sortir d’un camp rectangulaire et fermé de tous les côtés, quand il est enlevé par des assaillans assez nombreux pour l’entourer complètement ?
    Labiénus, qui n’avait pas pu se maintenir derrière un parapet élevé, précédé de larges fossés, de chausse-trapes, etc., pouvait-il tenir tête en rase campagne à de vaillans guerriers enivrés par un premier succès ? Ses soldats n’avaient plus assez de forces ni d’armes pour défendre une fortification solide ; où en trouvent-ils pour recevoir à découvert le choc d’un ennemi victorieux et quatre ou cinq fois plus nombreux ? Comment font les petites garnisons des redoutes, comment fait César pour percer ce flot de Gaulois qui devaient inonder la plaine et envelopper les légions vaincues ? Une retraite en échelons, dans des circonstances pareilles, serait à peu près impossible de nos jours pour les troupes les mieux instruites, les plus aguerries. Sans artillerie, sans armes à feu pour tenir l’ennemi à distance, elle ne pouvait être qu’une déroute. Est-ce bien là le mot de l’énigme qui embarrassait le sceptique Berlinghieri ?
    Dans cette courte analyse, nous avons soigneusement évité tout ce qui touchait à l’érudition et à la philologie. Nous n’avons cherché qu’à compléter notre enquête, et cette note n’a d’autre objet que de faire connaître au lecteur, fort imparfaitement sans doute, mais de notre mieux, l’état actuel de la question.