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ou à l’autre des états prépondérans. La grande famille européenne apparaît ainsi comme une sorte de république aristocratique, dans laquelle quatre ou cinq grandes maisons tiennent le gouvernement, et ne laissent la plèbe, le demos, acquérir une importance transitoire que dans des cas exceptionnels,

À l’exposé de cette théorie politique s’ajoutaient, dans l’ouvrage qu’on vient de nommer, quelques développemens dont la justesse pouvait paraître contestable, mais qu’on ne lisait pas sans intérêt, grâce au net et vif langage du publiciste. La péninsule ibérique par exemple appartenait au système français, la péninsule italienne au système autrichien, la Belgique et la Hollande à l’Angleterre, la Scandinavie à la Prusse, et finalement les états secondaires de l’Allemagne à la Russie. De telles applications d’une théorie attribuée à une plume russe étaient, je le répète, très discutables, et il est bon de rappeler que depuis l’époque où l’auteur les indiquait, un nouvel élément, l’Europe orientale, est entré à titre de puissance dans le concert où ne figuraient d’abord que cinq grands états. De nouvelles alliances ont été conclues, d’anciennes rompues. Le pouvoir, la position, la solidité de quelques-unes des grandes puissances ont subi des modifications essentielles ; des états du second rang ont gagné en importance. Reconnaissons néanmoins que dans ses rapports essentiels et généraux l’ancien système politique existe encore. Sur toutes les questions de droit public en Europe, c’est aux cinq grandes puissances qu’il appartient, aujourd’hui comme autrefois, de prononcer : elles exercent le pouvoir exécutif et législatif au milieu des autres états, qu’elles gouvernent tantôt d’un commun accord, tantôt à la majorité des voix, veillant avec un soin jaloux à ce que rien ne se fasse sans elles.

Puisqu’un tel édifice existe, il importe au premier chef que les piliers qui le soutiennent soient forts et solides. Et puisque l’Autriche est un des membres de la pentarchie, un intérêt général s’attache à tout ce qui peut éclairer ou rectifier l’opinion publique sur l’état de ce pays, qu’un long séjour dans ses diverses provinces nous a heureusement appris à connaître et à aimer. On ne s’étonnera point toutefois qu’en essayant de marquer la place de l’Autriche parmi les élémens essentiels de l’ordre européen, nous disions quelques mots d’une théorie toute contraire à celle de la pentarchie, et dont il faut bien établir la portée pour montrer les graves difficultés créées à la politique extérieure de l’empire par son système d’administration intérieure.

Chaque époque a son idée politique dominante, chaque époque a aussi son hochet. L’idée dominante de notre siècle est la liberté politique et civile ; son hochet, l’esprit de nationalité. Bien des personnes