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Dieu, et non en communion avec Dieu à travers l’humanité. Dieu n’était donc plus une abstraction subjective, il était une réalité objective, et que pouvait être une réalité objective, sinon le Dieu vivant des chrétiens? Mais si Dieu est une réalité objective, c’est la raison qui est subordonnée à Dieu; elle ne vit que par lui, puisqu’il est son objet. Ainsi la pensée de l’homme n’existe qu’en Dieu et par Dieu, c’est lui qui nous guide et nous dirige. Sa providence nous gouverne, puisqu’il est à la fois distinct de nous et en communion avec nous. Il a dû par conséquent nous enseigner ce que nous devons savoir, et il l’a fait à plusieurs reprises par les hommes providentiels, c’est-à-dire par les hommes qui, étant entrés par leur sainteté dans une communion plus intime avec lui, ont été choisis par lui pour être ses interprètes auprès de l’humanité. La vérité a donc été révélée, sinon directement par Dieu, au moins par ces interprètes divins. À cette théorie des hommes providentiels, M. Brownson en joignait une autre, celle de l’inspiration de la raison humaine. La raison humaine est naturellement inspirée, en ce sens qu’elle ne vit qu’en Dieu et pour Dieu; Dieu est à la fois son créateur, son objet et sa lumière. De ces deux idées, il déduisit bientôt avec une dextérité logique qui lui fait honneur la doctrine de la divinité du Christ et du pouvoir divin de l’église. Le Christ, par sa communion miraculeuse avec Dieu, avait en réalité vécu d’une vie divine et uni les deux natures; les apôtres, par leur communion avec le Christ, avaient vécu de la même vie, et par eux tous les chrétiens étaient entrés en communion intime avec Dieu. C’était là ce qu’exprimait le mystère chrétien de la communion. Le Christ est donc la vie divine humanisée, et depuis sa venue en ce monde, c’est par lui que nous communiquons avec Dieu; mais ce n’est plus directement que nous communions avec lui, c’est par les successeurs des hommes auxquels il infusa sa vie divine. Ces successeurs se sont renouvelés de siècle en siècle depuis les apôtres; donc l’église est inspirée de son esprit, et ne peut être appelée d’un autre nom que catholique, parce qu’elle renferme tous les hommes qui vivent de la vie du Christ, et que d’un autre côté les hommes de toute nation et de toute époque ont pu par la communion vivre de cette même vie. — Il est inutile de faire observer que l’autorité de la tradition et l’infaillibilité de l’église découlaient comme une conséquence nécessaire du raisonnement de M. Brownson.

Son désir de découvrir la vérité était enfin apaisé. Laborieusement il était arrivé à la conviction que l’église catholique était la véritable église du Christ, et que l’église du Christ était la religion révélée. Pendant quelque temps, il se contenta de vivre dans l’assurance qu’il avait trouvé la vérité et dans le bonheur de la posséder; mais un jour un scrupule se présenta à son esprit, et il ne songea pas à le