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Sérénade. Preciosa est donc une légende où l’infini de la distance se complique de l’infini de la rêverie qu’inspire à un homme du Nord la terre où naissent les myrtes et les sycomores. Weber achèvera son rêve de poésie, qui commence avec Preciosa, dans Euryanthe, et puis dans Oberon. C’est la même idée sous trois formes différentes. Faut-il absolument vous analyser ces parfums d’harmonies exquises, ces mélodies élégantes et diaprées comme les ailes d’un papillon céleste, ces chœurs qui retentissent dans les bois, où ils soulèvent les échos de la nature qui s’éveille à la voix de l’homme qui a compris ses mystères? Allez donc au Théâtre-Lyrique : vous y entendrez d’abord l’ouverture, dont le thème est emprunté à une vieille romance espagnole, avec l’accompagnement de guitare traditionnel; viennent ensuite la marche des Bohémiens, si originale, la valse d’une rêverie délicieuse, le chœur Aux bois, qui est si connu, la ballade que chante Preciosa, et que Mme Borghèse-Dufour ne dit pas trop mal, la danse espagnole, le chœur avec le ballet, et trois autres morceaux qui sont tirés, deux de Sylvana, un des premiers opéras de Weber, puis un duo pour soprano et ténor qu’un ingénieux musicien a bâti avec deux fragmens d’une symphonie de Weber, celle en ut. Les couplets si piquans que chante M. Serène, qui joue le rôle d’un Bohémien féroce, appartiennent à la partition de Sylvana, où ils expriment l’humeur joyeuse de Krips, personnage secondaire. Ces couplets ont été redemandés par le public ravi. Du reste, la pièce de MM. Nuitter et Beaumont est suffisante pour encadrer la musique enchanteresse de Weber, qui est fort bien rendue par les chœurs et par l’orchestre que dirige M. Deloffre. Mais voici une nouvelle bien autrement intéressante : le Théâtre-Lyrique prépare une merveille, le Mariage de Figaro de Mozart, chanté par Mmes Carvalho, Van-den-Heuvel et Ugalde ! Ah ! que de reconnaissance nous devrons à l’intelligent directeur qui nous convie à de pareilles fêtes du génie ! Qu’il lui soit donc beaucoup pardonné de Wolfram et autres merles blancs, dont il est obligé d’affliger de temps en temps le public, en faveur de son amour pour les œuvres immortelles !

Au théâtre de l’Opéra-Comique, on vient de représenter tout récemment un petit acte, les Chaises à porteurs, une agréable bouffonnerie qui ne fera pas concurrence au style pompeux de Quentin Durward. La musique de M. Victor Massé se prête assez bien à la plaisanterie de MM. Dumanoir et Clairville, où M. Couderc est, comme partout, un spirituel comédien.


P. SCUDO.



ESSAIS ET NOTICES.

Les Manuscrits slaves de la Bibliothèque impériale de Paris, par le révérend père Martinof, de la compagnie de Jésus[1].


Depuis le commencement de notre siècle, les nations de la famille slave manifestent une ardeur remarquable d’investigation qui les porte à étudier

  1. Paris, 1858, in-8o de cent onze pages, avec un calque.