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plus fait pour en préparer la solution dans ses Monumens de la littérature glagolitique, qui forment le digne pendant de ses Monumens de la littérature yougoslave. Ce savant est arrivé à cette conclusion, que les deux espèces d’écriture glagolitique connues jusqu’à présent, la ronde et la carrée, ne sont que des dérivations du type ancien, dont les fragmens, récemment découverts à Prague par M. Le Dr Hoefler[1], viennent de nous signaler l’existence, et qu’il est permis de considérer comme primordial. Ce type, en se développant sous l’influence graphique des modèles antérieurs, aurait pris la forme ronde ou carrée, suivant qu’il subissait l’action de l’élément grec ou de l’élément romain.

Au milieu de ces divergences d’opinions, le révérend père Martinof pense que l’invention de la glagolitsa doit être contemporaine de celle de l’écriture cyrillique, et que, dans toutes les hypothèses possibles, elle doit être considérée comme née très certainement longtemps avant le XIIIe siècle. Quelques slavistes attribuent cette invention à saint Clément, évêque de Vélitsa, au nord du mont Athos et de Thessalonique, et Bulgare d’origine; d’autres en font honneur à saint Cyrille lui-même, dont saint Clément était le disciple.

La littérature glagolitique a eu deux périodes : l’une ancienne, et qui s’étend du IXe siècle au XIIIe, l’autre moderne — toutes deux bien distinctes l’une de l’autre, non-seulement par la forme extérieure de l’écriture, mais encore par la structure de la phrase et l’organisme interne de la langue. Les monumens qui se rattachent à la première période sont fort rares; dans ce nombre est le fameux Abecedarium bulgaricum de la Bibliothèque impériale de Paris, regardé, même après les découvertes faites jusqu’à ce jour, comme un des plus antiques débris de la paléographie slave. L’opinion la mieux appuyée et accréditée maintenant le place au XIe ou XIIe siècle au plus tard. Un volume qui est une sorte de vade-mecum sacerdotal, puisqu’il réunit un bréviaire, un missel et un rituel, et qui est du même temps que la portion glagolitique de l’Évangile de Reims dit le texte du sacre (XIVe siècle), représente la seconde période. La dénomination de bulgare donnée à l’abécédaire de la Bibliothèque impériale semble indiquer quel a été le berceau de la glagolitsa, et en effet la conjecture la plus plausible est celle qui, guidée par cette dénomination, nous conduit en Bulgarie.

Les manuscrits du fonds slave de la Bibliothèque impériale fournissent vingt-sept numéros. Les sept premiers se rapportent à la rédaction russe; les trois suivans sont de la famille serbe; le onzième est celui dont il a été déjà question, et qui est en caractères glagolitiques. Le reste est en paléo-slave. Le fonds grec renferme un fragment bulgare, caché dans un manuscrit de Platon (XIIIe siècle); le fonds latin, une grammaire slave et l’Abecedarium bulgaricum. Enfin dans le fonds français se trouvent un remarquable manuscrit tchèque et quelques ouvrages traduits du français en russe, comme l’Histoire de Charles XII de Voltaire, des comédies de Molière, et plusieurs de nos auteurs du second ordre. Ces dernières productions, à défaut d’autre mérite pour nous, ont du moins celui d’attester l’influence que le génie fran-

  1. Glagolitische Fragmente, herausgegeben von De Hoefler und Dr Schafarik, Prague 1857.