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EL NIÑO
DE LA ROLLONA
RÉCIT DES BORDS DU GUADALQUIVIR.



Le Guadalquivir rappelle à son embouchure les grands fleuves d’Amérique qui semblent tomber à regret dans la mer après avoir parcouru de mystérieuses contrées. Dans sa lente promenade à travers l’Andalousie, combien il a reçu de rivières aux noms sonores et charmans, sans compter le Xenil, qui lui arrive des sommets neigeux de la Sierra-Nevada en s’échappant des fontaines de Grenade ! Il a coulé paisiblement le long des grèves dorées et autour des îles verdoyantes où l’oiseau se réfugie durant les brûlantes chaleurs de l’été ; il a baigné les murs de Cordoue, la ville des califes, et traversé Séville, la plus insouciante et la plus folle des cités d’Europe. Enfin, au moment de perdre son nom et de s’absorber dans l’Océan, quand il porte déjà de grands navires, ses eaux reflètent encore les ruines du château moresque de San-Lùcar-de-Barrameda. Est-il donc étonnant que le vieil Oued-el-Kebir s’attriste de laisser derrière lui ces villes, ces plaines et ces montagnes illustrées par vingt siècles d’histoire ? Ainsi s’afflige le cœur de l’homme qui vieillit, n’emportant de son active carrière et de ses longs voyages que de stériles souvenirs ; mais quelle mélancolie ne se dissiperait aux rayons du soleil de l’Andalousie ? À peine si l’hiver effleure de son souffle cette province privilégiée. Remontez le Guadalquivir à quelques lieues de son embouchure, et vous verrez les vastes prairies qui le bordent couvertes de pâquerettes à la fin de janvier. Allez un