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laquelle il serait fâcheux de porter atteinte dans l’un de ses élémens les plus solides, les plus humains. Il ne faudrait pas non plus supprimer la cause de ces manifestations touchantes, de ces fêtes de famille qui d’ordinaire se produisent dans les usines, lorsque le patron, honoré par le suffrage des représentans les plus élevés de l’industrie, rentre au milieu de ses ouvriers, qui se sentent récompensés en lui et avec lui. Tout ce qui établit un lien, une communauté de sentimens et d’intérêts entre les patrons et les classes ouvrières, tout ce qui rappelle l’étroite solidarité qui unit les chefs et les soldats de la grande armée du travail, tout cela est salutaire et doit être précieusement conservé. Au reste, l’opinion du prince Napoléon en matière de récompenses n’est point absolue. S’il proscrit les médailles pour les expositions de l’industrie, il les maintient pour les expositions des beaux-arts, parce que, dans ce domaine délicat, le goût du public doit être évidemment dirigé par l’opinion d’une minorité d’élite. Cette pensée est développée dans l’un des passages les plus remarquables du rapport, qui se termine par des considérations pleines d’intérêt sur l’avenir des expositions d’économie domestique. On sait que ce nouveau genre d’exhibition, proposé par un Anglais, M. Twining, et inauguré en 1855 sous le patronage du prince Napoléon, peut concourir utilement au bien-être des classes populaires, en imprimant un vif essor aux industries qui s’adressent à la masse des consommateurs.

Tels sont les principaux points traités dans le rapport du président de la commission impériale. Le prince Napoléon a examiné toutes les questions qui se rattachent aux expositions, il a abordé de front toutes les difficultés, et il n’a jamais hésité à exprimer son opinion personnelle, au risque de heurter parfois la tradition ou les préjugés. En même temps il y a dans le rapport tant de franchise, il y circule un courant si vif d’idées libérales, que le débat se trouve presque naturellement provoqué, et que l’objection sincère peut se produire avec la certitude d’être la bienvenue. En assignant aux expositions universelles une large place dans les préoccupations des gouvernemens et des peuples, en étudiant avec tant de soin les règles qui doivent en dominer l’organisation, le prince Napoléon n’a point exagéré l’importance de ces vastes concours. Les expositions universelles seront dans l’avenir l’un des plus énergiques instrumens de civilisation et de progrès; elles fourniront aux nations l’occasion de se rapprocher et les moyens de se mieux connaître : elles apporteront en quelque sorte au fonds commun de l’humanité toutes les découvertes, tous les perfectionnemens du génie industriel, sans cesse en travail sous les diverses latitudes. Par la mise en contact des produits et des hommes, elles ouvriront les voies à