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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1858.

Le monde n’est pas livré à la domination exclusive des intérêts, comme on le dit quelquefois. Même quand ces intérêts semblent victorieux, et lorsqu’ils paraissent tout envahir, ils ne donnent pas la raison de tous ces mouvemens confus, de ces crises mal dissimulées et de ces oscillations qui se manifestent de temps à autre dans la politique. Le secret de ces phénomènes est dans l’ordre moral. C’est une loi de cet ordre qui suit son cours à travers tout, et c’est parce que cette loi ne s’accomplit pas toujours, parce qu’il y a des droits méconnus, des principes froissés, des situations contraintes, des aspirations légitimes trompées, que l’Europe ressent parfois de ces malaises toujours plus faciles à observer qu’à définir. Les intérêts ont sans doute dans les sociétés actuelles une importance et une force qui éclatent à tous les yeux. Par eux-mêmes, ils sont ennemis des complications, ils rapprocheraient les peuples au lieu de les diviser ; il est bien clair néanmoins que, malgré leur puissance et leur extension, ils ne peuvent ni empêcher, ni diriger, ni expliquer les événemens, et c’est encore l’honneur de la nature humaine d’obéir dans ses résolutions à des mobiles d’un autre caractère, fût-ce au prix de difficultés et d’épreuves incessamment renouvelées. Si le moindre incident qui surgit en Italie éveille toutes les attentions et devient facilement un sujet d’inquiétude, c’est évidemment parce qu’il y a là un grand problème moral indépendant de tous les intérêts, et bien fait pour entretenir une incertitude permanente. Pourquoi l’état de l’Orient est-il une difficulté si épineuse et si redoutable pour l’Europe ? Cela ne peut être douteux, c’est parce que l’Occident n’a pas seulement à maintenir, comme une barrière ou comme une sauvegarde, l’intégrité des distributions territoriales actuelles ; — il est aussi de son devoir de seconder les populations chrétiennes de ces contrées dans leur affranchissement graduel, dans leurs efforts pour s’élever vers une condition meilleure, et tant qu’il n’en sera point ainsi, les affaires de l’Orient