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— Allons, Nils, dit l’avocat à son petit laquais, nous ne voyons guère avec cette méchante lanterne qu’on nous laisse ; tu feras les lits plus tard ; tu vas, en attendant, défaire la malle. Pose-la sur la table.

— Mais monsieur le docteur, dit l’enfant, je ne pourrai pas seulement la soulever ; elle est lourde !

— C’est vrai, reprit l’avocat ; il y a des papiers dedans, et c’est très lourd. — Il mit lui-même, avec un peu d’effort, la malle sur une chaise, en ajoutant : — Prends au moins la valise aux habits. Je n’ai apporté que l’indispensable ; ça ne pèse rien.

Nils obéit, mais il ne put jamais ouvrir le cadenas. — Je te croyais plus adroit que ça ! dit l’avocat un peu impatienté. Ta tante me disait… je crois qu’elle t’a un peu surfait, la bonne Gertrude !

— Oh ! reprit l’enfant, je sais très bien ouvrir les malles quand elles ne sont pas fermées… Mais dites-moi donc, monsieur Goefle, est-ce vrai que vous avez un kobold ?

— Un quoi ? un kobold ? Ah oui ! je n’y étais plus, moi ! Tu crois donc aux kobolds, mon garçon ?

— Oui, s’il y en a. Est-ce qu’ils ne sont jamais méchans ?

— Jamais, d’autant plus qu’ils n’existent pas.

— Ah ! vous disiez pourtant…

— J’ai dit ça pour me moquer de cet imbécile. Quant à toi, Nils, je ne veux pas t’élever dans ces sottises-là. Tu sais ? je ne veux pas seulement faire de toi mon domestique, je veux te donner un peu d’éducation et de bon sens, si je peux.

— Pourtant, monsieur Goefle, ma tante Gertrude, y croit bien, elle, aux bons et aux méchans esprits !

— Ma gouvernante croit à ça ? Elle ne s’en vante pas devant moi ! Voyez un peu comme les gens nous attrapent ! Elle fait l’esprit fort quand j’ai le temps de causer avec elle !.. Mais non, va, elle n’y croit pas ; elle dit ça pour t’amuser.

— Mais ça ne m’amuse pas, moi ; ça me fait peur ! ça m’empêche de m’endormir !

— En ce cas, elle a tort. Mais que fais-tu là ? Est-ce ainsi que l’on défait une valise, en jetant tout par terre ? Est-ce ainsi que le pasteur de Falun t’a enseigné le service ?

— Mais, monsieur Goefle, je ne servais pas le pasteur. Il m’avait pris seulement pour jouer avec son petit garçon, qui était malade, et nous nous amusions bien, allez ! Nous faisions toute la journée de petits bateaux de papier ou de petits traîneaux avec de la mie de pain !

— Ah ! ah ! c’est bon à savoir, ça ! dit le docteur en droit d’un air courroucé, et Gertrude qui me disait que tu t’étais rendu si utile dans cette maison !