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— Il n’y a donc pas, pour aller au château neuf, d’autre chemin que le lac ?

— Non vraiment, sans quoi je vois bien que tu serais déjà avec les grands laquais galonnés.

— Oh ! non, monsieur Goefle, puisque vous ne voulez pas ! Mais comme c’était beau là dedans !

— Où donc ? À Waldemora ?

— Oui, c’est comme ça qu’ils appellent le château neuf. Oh ! monsieur Goefle, c’était bien plus joli qu’ici ! Et il y avait tant de monde ! Je n’y avais pas peur !

— Fort bien, monsieur Nils, ça vous tournait la tête, à vous, ce palais plein de monde, de bruit, de flambeaux, de dorures, de désordre et de mangeaille ! Quant à moi, ce n’est pas mon goût de passer la nuit au bal et d’attendre au lendemain le hasard d’une chambre à partager avec quatre ou cinq jeunes fous pris de vin ou de querelle ! J’aime à manger peu, mais souvent et tranquillement, à dormir quelques heures, mais avec sécurité. Et d’ailleurs je ne suis pas venu ici pour me divertir, moi. J’ai des affaires importantes à régler pour le compte du baron ; il me faut ma chambre, ma table, mon écritoire et un peu de silence. Je le trouve maussade, ce cher baron, d’avoir oublié, au milieu de ses fêtes et réjouissances, que je ne suis plus un jeune étudiant avide de musique et de valse ! Je lui en dirai ma façon de penser demain matin. Il eut dû me faire préparer cet appartement-ci, ou tout autre, loin du vacarme et à l’abri des importuns ! Il n’a tenu à rien que je ne reprisse le chemin de Falun, quand j’ai vu l’étonnement des laquais à mon arrivée et leur embarras pour me caser convenablement ; mais la neige m’a fait peur, et d’ailleurs Loki avait chaud ! Je me suis rappelé heureusement qu’il y avait au vieux Stollborg une chambre endiablée dont personne ne voulait, et que l’on n’offrait à personne. Nous y voilà, nous y sommes bien. Demain, Nils, tu m’ôteras toute cette poussière et ces toiles d’araignées. J’aime la propreté, moi !

— Oui, monsieur Goefle, je dirai ça à M. Ulph, car je ne suis pas assez grand pour nettoyer là-haut !

— Oui, je vois ça. Nous le dirons à Ulph !

— Mais dites donc, monsieur Goefle, pourquoi est-ce qu’on l’appelle la chambre de l’ourse, cette chambre-là ?

— C’est un nom comme un autre, répondit M. Goefle, qui, occupé à ranger ses papiers dans le tiroir de la table, jugea bien inutile d’expliquer le blason à M. Nils. Cependant il s’aperçut bientôt d’un redoublement de frayeur chez l’enfant. — Voyons, qu’est-ce que tu as ? lui dit-il avec impatience. Tu ne fais que me suivre pas à pas, et tu ne m’aides à rien ?