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étrangers se présentent sur nos marchés du nord et de l’est dans des conditions telles que les charbons français ne puissent soutenir la concurrence, car je ne suppose pas que le mouvement remarquable d’explorations dont j’ai tenté de donner une idée se poursuive dans un intérêt purement géologique.

La France se trouve encore au remier rang des contrées qui reçoivent de la houille anglaise. Sur les 62,182,820 q. m. de combustibles minéraux que la Grande-Bretagne a exportés en 1856, nous en recevons plus du sixième, ou exactement 11,817,580 quint, met. Ce nombre comprend le charbon destiné à notre marine à vapeur, qui, on le sait, ne paie qu’un simple droit de balance, et qui figure pour 3 millions de quintaux métriques environ dans ce chiffre d’importation. L’augmentation en 1857 a été fort considérable, puisque, abstraction faite de la quantité spécialement absorbée par nos bâtimens à vapeur, qu’elle approvisionne presque exclusivement, l’importation anglaise s’est élevée, d’après le tableau comparatif du commerce étranger des principales marchandises qu’a récemment publié le Moniteur, à 11,543,905 quintaux métriques[1]. Ce mouvement est du reste particulier à l’Angleterre car le même document nous montre que les importations allemande et belge ne se sont accrues que de quelques centaines de quintaux métriques, et que l’importation belge de 1857 est encore inférieure à celle de 1855.

L’importation en France des houilles anglaises daterait de loin, suivant M. Amédée Burat, qui raconte que déjà en 1325 des navires français allaient à Newcastle échanger du blé contre du charbon, qu’en 1546 Henri VIII écrivait au maire de cette ville d’expédier 3,000 tonnes de combustible à Boulogne, qu’en 1770 trois cent soixante-cinq bâtimens étaient employés à cette importation. On a vu d’ailleurs, lorsque j’ai résumé les phases diverses qu’a subies le régime douanier de la houille étrangère avant la révolution, le rôle important que semblait jouer la Grande-Bretagne dans notre consommation de combustible minéral. « C’était de l’Angleterre surtout que nous recevions ce combustible, » lit-on dans le premier numéro du Journal des Mines (septembre 1795), et le mémoire ajoute, suivant le langage du temps, qui ne serait peut-être pas désavoué en ce moment par le comité des houillères françaises : « Nous comptions sur cette ressource funeste, comme si elle eût pu toujours durer. »

  1. Les chiffres qui peuvent donner une idée de l’importation des charbons de la Grande-Bretagne sont les suivans : en 1814, 113,923 quintaux métriques ; en 1820, 251,194 q. m. ; en 1830, 511,289 q. m. ; en 1840, 3,807,739 q. m. ; en 1850, 6,024,100 q. met. ; en 1855, 8,813,390 q. m. La modification apportée en 1853 aux droits d’entrée sur la houille étrangère n’a pas eu d’effet immédiat, par suite de l’influence de la guerre de Crimée sur le prix du fret ; mais l’action s’en est fait sentir aussitôt après le rétablissement de la paix.