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d’Homère, si Rabelais et Callot n’ont pas trouvé dans Aristophane le type éternel de la bouffonnerie, qu’on attribue, je ne sais pourquoi, au développement du christianisme… Ne valait-il pas mieux cent fois, comme fit Alfred de Vigny, vivre de poésie et de solitude, chercher la nouveauté du rhythme dans la nouveauté des sentimens et des pensées, sans s’inquiéter de la date d’une strophe et d’un tercet, sans savoir si tel mètre appartient à Baïf, tel autre à Coquillard ? Que des intelligences nourries de fortes études examinent à loisir et impartialement un point d’histoire littéraire, rien de mieux ; mais se faire du passé un bouclier pour le présent, emprunter au XVIe siècle l’apologie d’une rime ou d’un enjambement, transformer des questions toutes secondaires en questions vitales, c’est un grand malheur à coup sûr, une décadence déplorable, une voie fausse et périlleuse. » On voit par ce court extrait que si par hasard Gustave Planche a fait partie de l’église romantique, il n’a jamais accepté son credo, sa liturgie et sa discipline.

Puisqu’il repoussait également toutes les écoles, sur quels principes reposait sa critique ? Il est très vrai qu’il n’a pas laissé derrière lui une doctrine esthétique, pas plus qu’il n’a laissé de disciples et de courtisans. Il acceptait tous les systèmes, et se défiait également, de tous les systèmes ; il fut à un certain point de vue un véritable éclectique. Toutes ses théories sur l’art et la poésie pourraient se réduire à deux principales. Les diverses formes de l’art sont limitées, et ce n’est jamais impunément qu’on dépasse leurs limites. Le but de l’art n’est pas de reproduire la réalité, mais d’agrandir la réalité par l’imagination et le souvenir. La peinture et la sculpture ne sont pas autre chose que la réalité agrandie ; là poésie n’est pas autre chose que l’exagération à propos. C’est en ces deux principes que se résumait tout son enseignement, et certes ces principes méritaient d’être recommandés dans un temps où l’on a vu la sculpture vouloir rivaliser avec la peinture, la peinture essayer d’emprunter ses mélodies à la musique, et la poésie se contenter de reproduire les dissonances de la réalité. Pour lui, l’artiste le plus vrai n’était pas celui qui était le plus fidèle à la réalité, mais celui qui était le plus fidèle à la logique. Un artiste pouvait faire preuve d’un grand talent en transcrivant fidèlement la réalité sans y rien ajouter, tout simplement par un heureux choix des objets, un triage habile des modèles réels ; mais le titre de grand artiste appartenait avant tout à celui qui agrandit par la réflexion ses souvenirs et les idéalise par l’imagination. Cette théorie lui servait de formule synthétique pour concilier les écoles les plus extrêmes, et lui permettait d’être impartial en gardant ses préférences, c’est-à-dire de comprendre Rubens en admirant Raphaël, et de sentir Titien en préférant