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ait fixé l’attention des érudits et des moralistes anglais. Dès 1816, John Hoyland publia sur la condition des gypsies dans la Grande-Bretagne une enquête qui ne manque point d’intérêt[1], et dont on se souviendrait davantage, si M. George Borrow n’eût ouvert dans ces derniers temps un champ tout nouveau de recherches. George Borrow a vécu dès sa jeunesse avec les gypsies ; il parle leur langue et passe même parmi eux pour un de leurs frères. Il a lu ainsi dans leur caractère, dans leurs pensées les plus secrètes. Après avoir étudié la vie des gypsies en Angleterre, il voyagea et rencontra dans les diverses contrées de l’Europe des groupes de bohémiens qui, l’entendant parler leur langage, crurent à un lien de consanguinité. Il s’est assis sous leur tente, il s’est chauffé à leur feu, et il a pu ainsi comparer entre elles les différentes branches de cette famille humaine dispersée. Le désir de répandre la Bible en Espagne l’entraîna, vers 1836, dans la Péninsule, où ses tribulations de missionnaire, ses aventures, ses voyages, ses emprisonnemens, lui fournirent la matière d’un récit curieux, the Bible in Spain. Là il rencontra encore ses amis les gypsies sous le nom de zincali ; il leur apporta des nouvelles de leurs frères de la Grande-Bretagne et fut partout bien accueilli. « Ils ne touchèrent point à un cheveu de sa tête ni ne rognèrent point un pan de son manteau, » car les enfans d’Égypte ne se nuisent ni ne se volent point entre eux. Ce nouveau théâtre de faits lui inspira l’idée d’un ouvrage sur la vie des bohémiens en général, mais plus spécialement des bohémiens d’Espagne ou des gitanos[2]. Le principal mérite de ce livre est de ne point être fait avec des livres : l’auteur raconte ce qu’il a vu, ce qu’il a appris des gypsies par la bouche des gypsies eux-mêmes durant vingt années. L’imagination a disputé à la science une veine si riche d’intérêt. La littérature anglaise, le théâtre, la peinture, la musique, ont emprunté au caractère des gypsies quelques types célèbres[3]. Il faut pourtant se tenir en garde contre les fictions romanesques, dont le germe a été fourni presque toujours par des études et des impressions trop légères. Rien ne ressemble moins à la vie des gypsies sur la scène ou dans les livres que la vie de ces mêmes gypsies tels qu’on les rencontre dans la nature. C’est là, dans le livre des réalités, que nous chercherons à pénétrer le secret d’une race qui est à elle-

  1. An historical Survey of the customs, habits and the présent state of the gypsies ; York.
  2. The Zincali, or Account of the Gypsies of Spain. Voyez, sur les Gypsies d’Espagne, la Revue du 1er août 1841.
  3. Voici les titres de quelques-uns de ces ouvrages populaires : les Gypsies, par James, — Gypsy family, — Gypsy girl, — Gypsy mother, — Gypsy chief, — Lavengro or roving life in England, the scholur, the gypsy, the priest, by George Borrow. Il est inutile de rappeler Guy Mannering de Walter Scott.