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voir pas été invité. Aussi eut-il un moment de réveil désagréable en voyant une espèce de maître d’hôtel qui portait l’épée venir à sa rencontre dans la salle d’entrée, et lui tendre la main d’un air affable après l’avoir respectueusement salué.

Cristiano, croyant que cette main tendue était une manière d’accueil en usage dans le pays, allait la serrer avec bienveillance, mais il s’avisa que ce pouvait être la demande de produire sa lettre d’invitation. Le personnage était vieux, laid, marqué de petite vérole, et ses yeux bridés avaient une expression de fausseté mal déguisée sous un air d’apathie doucereuse. Cristiano mit donc sa main dans la poche de sa veste, bien certain de n’y pas trouver ce qu’on lui réclamait. Il avait bien reçu la proposition de venir à Waldemora aux frais de l’amphitryon, mais non pas au même titre que les gentilshommes du pays. Aussi se préparait-il à faire la mimique de l’homme qui a oublié son passeport, et qui se dispose à retourner le chercher, sauf à ne pas revenir, lorsque sa main rencontra dans sa poche, c’est-à-dire dans celle de M. Goefle, un papier signé du baron et contenant une invitation en règle pour l’honorable M. Goefle et les personnes de sa famille, conformément à la formule généralement adoptée. Cristiano, dès qu’il y eut jeté les yeux, présenta résolument la lettre d’admission, que le maître d’hôtel regarda à peine, mais qu’il lut cependant avec certitude. — Monsieur est le parent de M. Goefle ? dit-il en mettant la lettre dans une corbeille avec beaucoup d’autres.

— Parbleu ! répondit Cristiano avec assurance.

M. Johan (tel était le nom du maître d’hôtel) salua de nouveau et alla ouvrir une porte qui donnait sur le grand escalier, par où allaient et venaient les hôtes installés au château, et par où montaient sans contrôle les voisins connus du nombreux domestique de la maison. À cette simple formalité se borna l’introduction de Cristiano, lequel avait espéré y échapper, n’ayant pas le dessein de se poser en aucune façon dans la fête, mais se livrant seulement à la fantaisie de la parcourir et d’y apercevoir la charmante Marguerite.

Il se trouva d’abord dans la grande galerie peinte à fresque qui traversait le principal corps de logis de part en part, et dont la décoration faisait de son mieux pour imiter le goût italien introduit en Suède par la reine Christine. Les peintures n’étaient pas bonnes, mais elles produisaient leur effet. Elles représentaient des scènes de chasse, et si leur grand mouvement de chiens, de chevaux et d’animaux sauvages ne satisfaisait pas par le dessin le jugement de l’artiste, il réjouissait du moins la vue par un ensemble de couleur brillant et animé.

En suivant cette galerie, Cristiano arriva au seuil d’un assez riche