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se couvre d’ondulations qui deviennent de plus en plus marquées à mesure qu’on avance vers l’est. Le climat devient plus rigoureux, la culture du blé s’y arrête à des latitudes beaucoup plus basses que dans la Sibérie occidentale : d’immenses forêts s’étendent jusqu’au cercle polaire, et au-delà il n’y a plus que des déserts de mousse, entrecoupés de lacs et de marécages. Les vastes régions comprises entre les grands fleuves qui descendent, du sud au nord, vers la Mer-Arctique, sont entièrement abandonnées, dans la partie septentrionale de la Sibérie, à des tribus indigènes qui vivent de la pêche et de la chasse. Les Ostiaques habitent principalement entre les monts Oural et l’Iéniséi, les Tungouses et les Samoyèdes occupent le gouvernement d’Iéniséisk, enfin, la partie la plus orientale du continent est abandonnée aux Iakoutes. Les habitudes de ces nombreuses tribus, pour la plupart nomades, assurent leur entière indépendance ; mais il est juste de dire que le gouvernement russe s’est toujours montré fort bienveillant envers ces maîtres primitifs de la contrée, et n’a jamais donné l’exemple de ces actes de violence qui souillent l’histoire de tant de colonies. Les peuples sibériens non slaves sont divisés en trois classes. La première comprend les tribus sédentaires : celles-ci conservent leurs lois, leur religion, sont exemptes du recrutement militaire, et jouissent pourtant de tous les droits de citoyens russes. La seconde classe comprend les tribus nomades, mais qui se fixent sur des points particuliers du territoire pour y demeurer pendant un temps limité ; leur indépendance est encore plus complète que celle des tribus de la première classe : comme les populations sédentaires, ces tribus à demi nomades paient un tribut de fourrures et ne relèvent des tribunaux russes qu’en cas de meurtre. Enfin dans la dernière classe rentrent les tribus complètement errantes, qui ne se fixent nulle part et n’envoient qu’irrégulièrement le tribut.

On comprendra mieux à quel genre de dépendance se soumettent les indigènes par un récit que j’emprunte encore au curieux ouvrage de M. Castren. Le voyageur vient d’arriver à Turuchansk, la ville la plus septentrionale de l’Iéniséi ; plusieurs tribus viennent chaque année y payer l’impôt. « On voyait, dit-il, sur la place du marché des processions d’Ostiaques de l’Iéniséi et de Samoyèdes avec leurs costumes variés. Aucune de ces troupes n’oublie de nous honorer d’une visite et de nous interroger sur la santé de sa majesté impériale. On veut savoir si les impôts de l’année précédente sont bien arrivés entre ses mains, et si elle s’en est montrée satisfaite. Les chefs, auxquels on a décerné des caftans rouges et des médailles, présentent leurs remercîmens et promettent de rendre à l’occasion avec fidélité tous les services que l’on peut attendre d’eux. — Mais,